La Chine tient-elle, enfin, son propre OpenAI ? Malgré les tentatives des géants Tencent ou Alibaba de rivaliser avec le leader américain de l’IA générative, la surprise est venue cet hiver d’une start-up totalement méconnue jusqu’ici, DeepSeek. Ses modèles de langue – “V3” publié le 26 décembre et “R1” le 20 janvier – se mesurent d’après les standards du secteur à “GPT-4o” et “o1” d’OpenAI, qui nourrissent l’agent de conversation ChatGPT.Mais ce n’est pas le plus surprenant. DeepSeek a réalisé ces prouesses à des coûts infiniment moins élevés que celui de son rival. “V3” n’a par exemple réclamé que 5,57 millions de dollars pour son entraînement. Contre plus de 100 millions de dollars pour “GPT-4o” d’OpenAI auquel il se mesure. “V3” a par ailleurs nécessité 11 fois moins de temps de calcul que Llama-3 de Meta, autre acteur majeur de l’IA. Le tout, avec un plus faible nombre de puces spécialisées (des GPU), et moins sophistiquées, en raison de restrictions américaines imposées à la Chine dans ce domaine depuis plusieurs années. Comme des boulets aux pieds, dans l’idée de ralentir les progrès de l’Empire du Milieu dans l’IA.C’est un euphémisme de dire que cette stratégie de Washington, impulsée par Donald Trump lors de son premier mandat et poursuivie par Joe Biden, a du plomb dans l’aile. La Chine, notamment via Huawei, a appris à gérer ce manque de puces, et investit massivement dans sa production locale. DeepSeek, filiale du fonds spéculatif High-Flyer, avait quant à lui réussi à se procurer quelques milliers de puces avant que les vannes ne se ferment. Bien lui en a pris.Guerre des prixL’ascension de la start-up chinoise originaire de Hangzhou, non loin de Shanghai, a d’autres implications pour les Etats-Unis. La sobriété forcée de DeepSeek questionne les investissements massifs opérés actuellement par les Américains. Plusieurs experts estiment qu’ils alimentent une “bulle spéculative”. Pas plus tard que mercredi, OpenAI, SoftBank et Oracle ont annoncé le projet “Stargate”, doté de 500 milliards de dollars. Une enveloppe sans précédent afin d’enrichir leurs infrastructures dédiées à l’intelligence artificielle, des centres de données (data centers) aux centrales électriques. Et arroser, à terme, le monde entier de leurs solutions.Point noir de cette approche : la pression tarifaire s’accroît déjà. “Le coût des solutions IA est une préoccupation majeure des entreprises qui les achètent en ce moment”, confirme Ghislain de Pierrefeu, consultant spécialisé dans l’intelligence artificielle au sein du cabinet Wavestone. Ceci, alors que les gains de productivité espérés grâce à l’IA générative sont toujours flous. Le grand public, lui aussi, est sommé de passer à la caisse. Microsoft a récemment fait grimper le tarif de ses suites bureautiques d’environ 30 % à cause de l’IA. OpenAI a quant à lui lancé un abonnement “pro” à ChatGPT à 200 dollars par mois, qu’il n’estime même pas rentable.DeepSeek remet en question le gigantisme américain, et ses conséquences économiques. Peut-être pour un long moment, puisque la compagnie dirigée par Liang Wenfeng, 40 ans, a également partagé l’intégralité de ses modèles et de sa méthodologie en open source. Une nette différence ici avec OpenAI. Non seulement, n’importe qui peut télécharger et accéder à ce qui se fait de mieux dans l’IA générative, en ce début d’année 2025. Mais les scientifiques du monde entier ont désormais accès à la “méthode miracle” de DeepSeek : un mix d’astuces techniques, d’innovations et d’optimisations dans l’apprentissage des données ayant permis de rendre ses modèles plus performants et moins énergivores. Donc, moins coûteux à l’usage. “Une démonstration très impressionnante de recherche et d’ingénierie sous des contraintes de ressources”, a félicité sur X Andrej Karpathy, l’ancien responsable de l’IA chez Tesla.Atout géopolitiqueCette méthode fait déjà des émules. D’abord en Chine, chez ByteDance, la maison-mère de TikTok, qui souffre des mêmes restrictions en puces que DeepSeek. Son modèle “Doubao 1.5”, présenté mercredi 22 janvier, vante lui aussi de hautes performances, comparables aux modèles d’OpenAI, associées à un très faible coût à l’usage – environ 50 fois moins que GPT-4o. Nul doute que Pékin a trouvé un bon filon. Liang Wenfeng, le patron de DeepSeek, a d’ailleurs été invité au cours de la semaine à une réunion d’importance sur l’IA, organisée par les autorités avec un groupe restreint d’experts du secteur. La presse locale y a vu un symbole de son influence, qui ne devrait pas se limiter à l’Asie. Les entreprises européennes, qui ne souffrent pas des mêmes restrictions mais sont en retard sur les Américains, pourraient aussi s’inspirer de son approche.Est-ce que la “méthode DeepSeek” pourrait inciter OpenAI à remettre en question la sienne ? Sûrement pas. Le contrôle des Etats-Unis sur les puces IA envoyées vers la Chine ne va que s’accroître, sous Trump. Tandis qu’OpenAI va continuer d’accéder aux outils de pointe, grâce à Nvidia. Le père de ChatGPT est en mesure de conserver son leadership et de dicter le tempo des investissements. La Chine, elle, risque d’avoir du mal à exporter ses modèles, même à bas prix. “Il existe un blocage en Occident à l’utilisation de solutions chinoises”, indique Ghislain de Pierrefeu. Pour des questions de confidentialité des données. De culture, également. Rappelons que la censure du Parti communiste est passée sur DeepSeek comme sur les autres modèles d’IA. Impossible de le questionner sur la souveraineté de Taïwan ou les évènements de la place Tiananmen en 1989.Mais tout le monde ne sera pas si intransigeant, pronostique le consultant de Wavestone : “Les pays qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs occidentales vont regarder de près ce que réalise DeepSeek…”. Un contingent qui s’agrandit, d’année en année. En dépit de sa provenance, la start-up suscite autant de méfiance que d’admiration. Y compris au pays de l’Oncle Sam. “Nous vivons à une époque où une entreprise non américaine maintient en vie la mission originelle d’OpenAI : une recherche véritablement ouverte et novatrice qui donne du pouvoir à tous”, a écrit sur X l’ingénieur Jim Fan, personnalité éminente chez Nvidia. Un coup de griffe remarqué contre celle qui s’était placée à ses débuts comme un futur géant de l’open source, avant d’y renoncer pour des raisons commerciales. Et une victoire en filigrane pour le soft power chinois.
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Author : Maxime Recoquillé
Publish date : 2025-01-24 11:30:00
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