“Le médium est le message” : la célèbre formule du théoricien canadien de la communication Marshall McLuhan a révolutionné la publicité. Une voiture, un téléphone portable ou un voyage sont mis en avant via les canaux par lesquels ils circulent. De même qu’une information publiée dans un journal n’a pas la même valeur que si c’est un voisin qui la relaie. Autrement dit, le contenant est aussi important que le contenu. Son autre thèse est tout aussi actuelle : dans un monde devenu “village global”, les médias (radio et télévision) “jouent le rôle de tam-tam” (Guerre et paix dans le village planétaire, avec Quentin Fiore, Robert Laffont, 1970). McLuhan avait ainsi prophétisé, 60 ans avant leur avènement, l’essor des réseaux sociaux de masse et leur corollaire : la “story”. Ce qui est dit dans le secret d’une entreprise peut alors se propager à l’autre bout du monde lorsqu’un smartphone filme en direct. En réponse, le brouillage devient un moyen de militer les fuites. Les communications interne et externe ont-elles fini par fusionner à la faveur de ces autoroutes de l’information en hypercroissance constante ? L’adage que l’on attribue à André Citroën – “parlez en bien ou en mal de moi, mais parlez de moi” – est-il encore efficient à l’heure des réseaux sociaux ?Pour gagner en visibilité, l’entreprise doit d’abord calculer où elle veut se montrer : avoir un site attractif et bien référencé fait partie des investissements incontournables car son image est aussi importante que les médias par lesquels elle circule, que ce soit les journaux, les écrans, ou encore TikTok, Instagram et Facebook – si le directeur de la communication les juge pertinents. On s’interroge ainsi sur l’opportunité de quitter X et de rejoindre Bluesky afin de mieux atteindre sa cible et d’être en conformité avec ses valeurs. L’entreprise doit ensuite déterminer en quels termes elle souhaite se définir. En l’espèce, la multiplication des canaux exige une simplification du message : une entreprise doit se présenter par exemple comme “socialement responsable”, “écologiquement engagée”, “inclusive”. Enfin, pourquoi ne pas prévoir un budget pour s’offrir les services d’un influenceur, homme-sandwich des temps modernes, ressuscité sur les réseaux afin de donner du crédit à ces affirmations.Mais la communication, indispensable pour gagner en visibilité, prend d’autres chemins à l’heure des réseaux sociaux et les ennuis surgissent le jour où le fossé entre les mots et la réalité est révélé. Par exemple, lors du scandale Orpea, exposé par Victor Castanet (Les Fossoyeurs, Fayard, 2022), la France a découvert avec effarement la maltraitance institutionnalisée dans les maisons de retraite. “Nous sommes entrés dans une période de la preuve, qui est plus importante que l’affirmation”, analyse Adrien de Tricornot, directeur conseil chez Ulysse Communication. Les chartes de bonne conduite qui permettent de se disculper n’engagent que ceux qui les ont conçues. “Le jour où la vérité apparaît, on ne peut plus s’en relever”, précise-t-il. Ainsi, Orpea a choisi de se renommer en 2024 Emeis, pour “marquer une nouvelle étape de sa refondation”.Pour cet expert, les entreprises ont d’abord le devoir d’aligner leur discours avec leurs actions. Deuxième conseil : celles qui en ont les moyens peuvent se doter de labels indépendants et reconnus tels que SBTI (science based targets initiative), B Corp ou Eco Vadis, qui proposent des indicateurs en matière de RSE (responsabilité sociale et environnementale).Rectifier le tir en posant des actes fortsEmma*, responsable depuis vingt ans d’une importante entreprise de communication est plus mitigée. “Certains labels ne sont pas fiables et on peut les contourner”, observe-t-elle. En communication de crise, elle insiste sur la nécessité de réagir vite : “sortir l’airbag” pour éviter le crash, notamment “le jour où les témoignages affluent sur #BalanceTonAgency” (hashtag dénonçant les conditions de travail toxiques dans les agences de communication, de publicité et de marketing). Même si, note-t-elle, dans certains secteurs comme la finance “règne l’omerta”. Cependant, à l’ère des réseaux sociaux, plus aucune entreprise n’est à l’abri d’un “bad buzz”. Dernier exemple en date : Body Minute, enseigne de salons de beauté, au coeur d’une polémique depuis la publication d’une vidéo sur TikTok par une influenceuse en 2022, réactivée début 2025 sur les réseaux sociaux après que l’enseigne a décidé de poursuivre en justice la jeune femme. Effet Streisand garanti. “Les nouvelles générations sont omniprésentes sur les réseaux, cela tétanise les patrons”, souligne Emma.En cas de crise, l’experte recommande aux entreprises concernées de “s’excuser tout de suite, sans s’embourber, pour éviter l’effet tache d’huile”. Puis après le mea culpa, “rectifier le tir en posant des actes forts”. Le faire savoir et jouer la transparence, “sans camouflage, sans habiller les chiffres ni les faits”. Ultime recommandation : avertir toujours les salariés en amont. “Rien de pire pour les salariés en interne que d’apprendre une crise par des sources externes”. N’en déplaise à McLuhan, dans un contexte grave, ce n’est pas le médium mais le message qui redevient essentiel.*Le prénom a été anonymisé
Source link : https://www.lexpress.fr/economie/emploi/management/les-nouvelles-generations-tetanisent-les-patrons-la-com-des-entreprises-a-lheure-des-reseaux-sociaux-BQ7J6V6MCJCZXASZ34YCPGYBOU/
Author : Claire Padych
Publish date : 2025-01-21 11:00:00
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