C’est un fait que la Russie et la Corée du Nord vont difficilement pouvoir cacher beaucoup plus longtemps. Alors que les soldats nord-coréens envoyés en Russie pour défendre la région de Koursk continuent d’affronter l’armée ukrainienne, les régimes de Vladimir Poutine et de Kim Jong-un continuent de nier une quelconque implication de troupes de Pyongyang dans le conflit. Les pertes s’accumulent pourtant : le président ukrainien Volodymyr Zelensky a ainsi affirmé que près de 3 800 d’entre eux avaient été tués ou blessés ces dernières semaines, tandis que le renseignement sud-coréen estime les pertes de Pyongyang à 300 morts et 2 700 blessés.Mais au-delà de défendre ses positions, voire de continuer à percer la ligne de front sur le sol russe, l’un des objectifs majeurs de l’Ukraine ces dernières semaines était de réunir le plus de preuves irréfutables de la présence de soldats nord-coréens dans le conflit. Avec pour cela un objectif clair : la capture de prisonniers. Une tâche ardue, tant les soldats nord-coréens refusent de capituler, et sont incités à se suicider ou à achever leurs camarades blessés plutôt qu’à se faire capturer. “Généralement, les Russes et les autres soldats nord-coréens achèvent leurs blessés et font tout pour effacer les preuves de la participation d’un autre Etat, la Corée du Nord, à la guerre contre l’Ukraine”, a ainsi affirmé Volodymyr Zelensky le 11 janvier dernier.Cette difficulté découle d’un élément clé dans la participation des forces nord-coréennes dans le conflit russo-ukrainien : la très grande idéologisation de ces soldats, en majorité prêts à sacrifier leur vie pour ce qu’ils estiment être une cause juste. En guise de soutien à ses troupes, Kim Jong-un leur a ainsi adressé un message de nouvelle année, retrouvé sur des soldats nord-coréens, témoignant des leviers de motivation actionnés par la dictature nord-coréenne, comme le rapporte le Washington Post. “Vous avez connu des sacrifices déchirants et les joies de coûteuses victoires, de nombreuses et nobles expériences de combat, le sentiment inestimable d’une camaraderie et d’un patriotisme authentiques, tout cela si loin de la mère patrie. Je ne sais même pas comment trouver les mots pour vous encourager et vous exprimer ma gratitude pour votre dévouement et vos efforts inlassables. Vous me manquez vraiment, camarades”, peut-on notamment lire dans la lettre.Un autre carnet retrouvé sur un soldat était quant à lui rempli de chants patriotiques nord-coréens, avec des paroles telles que “mon destin est toujours partagé avec la mère patrie”. Plusieurs soldats ukrainiens ont témoigné auprès du Washington Post la très grande ténacité des troupes de Pyongyang, malgré les importantes pertes infligées.Des soldats qui ignoraient avoir été envoyés sur le frontMalgré ces difficultés, l’armée ukrainienne est parvenue il y a une dizaine de jours à capturer deux soldats nord-coréens, et leurs interrogatoires ont révélé des informations importantes. Et notamment le fait que l’un d’entre eux pensait avoir été “envoyé en formation”, mais qu’il s’était “rendu compte à son arrivée en Russie qu’il avait été déployé” sur le front, a relaté le NIS, le service de renseignement sud-coréen, également parti prenant des interrogatoires. Dans des discussions traduites et citées par l’AFP, l’un des hommes a déclaré vouloir retourner en Corée du Nord – où son sort serait plus qu’incertain, alors que son pays refuse de déclarer officiellement son implication dans le conflit et incite tous ses soldats à se suicider plutôt qu’à se faire capturer par l’ennemi -. L’autre a dit qu’il ferait ce qu’on lui dirait, mais que s’il en avait la possibilité, il préférerait vivre en Ukraine.Des déclarations d’un député sud-coréen, Lee Seong-kweun, citant le service de renseignement de son pays, vient également nuancer la version de soldats engagés uniquement par leur idéologie. Selon lui, des mémos récupérés sur des cadavres révèlent que le régime nord-coréen se sert des “espoirs des soldats de rejoindre le Parti des travailleurs”, au pouvoir en Corée du Nord, ou “de bénéficier d’une amnistie”, afin de les envoyer au combat, suggérant que certains pourraient être des prisonniers dans leur pays.Un meilleur équipement pour les Nord-Coréens que pour les Russes ?Pour autant, les soldats nord-coréens restent relativement bien équipés sur le front. Les forces spéciales ukrainiennes ont ainsi pu montrer aux journalistes du Washington Post une liste d’équipements récupérés ces dernières semaines sur des soldats nord-coréens, avec notamment des gilets pare-balles, des trousses de premiers secours ou des guides pour faire des garrots, des cartes d’identité militaires, des pelles, des couteaux et fusils d’assaut russes modernes. De quoi faire dire à Vlad, l’un des soldats de cette unité ukrainienne ayant récupéré cet équipement, que l’armée russe semble suivre une mentalité du “meilleur pour l’invité” dans l’affrontement contre les forces de Kiev. “Les Russes étaient beaucoup moins bien équipés. Ils ont essayé d’en mettre plein la vue aux Nord-Coréens”, a-t-il ajouté.Pourtant, cet équipement reste largement insuffisant pour que les soldats soient préparés à un tel affrontement. Les soldats ukrainiens ont notamment été particulièrement surpris lors des premières apparitions des troupes nord-coréennes, qui se déplaçaient en larges groupes et n’essayaient même pas de se cacher des drones ukrainiens, subissant de très lourdes pertes.En pleine “adaptation” au frontMais les soldats de Pyongyang semblent apprendre vite. Alors que les forces de Kiev affirment beaucoup moins les voir sur le front ces dernières semaines, les dernières confrontations ont montré que ceux-ci se révélaient plus récemment bien plus prêts au combat. Viktor, un commandant de forces spéciales ukrainiennes ayant eu une confrontation directe avec les troupes nord-coréennes à la mi-décembre, a ainsi expliqué auprès du Washington Post comment ces derniers étaient en pleine “adaptation” au champ de bataille. “Ils essaient de devenir plus intelligents, de ne pas se masser à un seul endroit comme un troupeau de moutons”, a-t-il déclaré.Plusieurs documents nord-coréens saisis par les forces ukrainiennes à Koursk confirment ce propos, avec des notes et des retours sur l’expérience du combat et les erreurs commises sur le front. “Dans la guerre moderne, où la reconnaissance en temps réel et les frappes de drones sont menées, le fait de ne pas disperser les équipes de combat en unités plus petites de deux ou trois membres pourrait entraîner des pertes importantes dues aux drones et à l’artillerie de l’ennemi”, peut-on notamment lire dans l’un d’entre eux.Un autre document indique que certaines troupes nord-coréennes ont eu d’importantes difficultés sur le front car elles n’avaient pas été informées “de détails cruciaux tels que les bastions ennemis, les sites de lancement de drones ou les positions d’artillerie, et sont donc entrées sur le champ de bataille sans être préparées”. Plutôt que les troupes nord-coréennes, la plus grande responsabilité de l’échec russe à reconquérir la région de Koursk serait peut-être davantage à rejeter sur les forces de Moscou, incapables d’utiliser à leur avantage cette masse de soldats censée en principe pouvoir mettre à mal les lignes de défense ukrainiennes.
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Publish date : 2025-01-20 16:42:00
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Guerre en Ukraine : les dernières révélations sur l’impréparation des soldats nord-coréens
