Conception, financement, rentabilité… La Cour des comptes a appelé mardi 14 janvier l’Etat et EDF à lever les nombreuses « incertitudes » avant de poursuivre le vaste programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR. Dans un rapport critique de 97 pages, la juridiction financière estime que « l’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme d’EPR2 », en rappelant que l’EPR de Flamanville en Normandie a été connecté au réseau électrique national 12 ans après la date prévue, le 21 décembre. « D’importantes réserves et incertitudes restent en effet à lever pour assurer la crédibilité du programme » d’EPR2, une version optimisée de l’EPR, souligne-t-elle.Après un chantier émaillé de déboires et aléas techniques, les coûts du réacteur Flamanville 3 ont explosé par rapport au devis initial de 3,3 milliards d’euros. Selon la Cour des comptes, EDF estime aujourd’hui le coût total du projet à 19,3 milliards en euros de 2015, soit 22,6 milliards d’euros de 2023, « coût de financement compris ». « En réalité, le coût total à terminaison de Flamanville 3 est plus élevé et atteint 20,4 milliards » en euros de 2015, « soit 23,7 milliards » en euros de 2023, a calculé la Cour des Comptes dans ce rapport consacré à la filière EPR, le réacteur de nouvelle génération aucœurr de la relance du nucléaire en France.Cette réévaluation de 1,3 milliard par rapport à l’estimation dans son précédent rapport en 2020 (19,1 milliards en euros de 2015) tient compte d’ajustements dans le calcul de provisions présentées par le groupe électricien EDF et dans le calcul du coût de financement. »Rentabilité médiocre »Après les « dérives » de coûts et de calendrier des projets d’EPR d’EDF à Flamanville, en Finlande et au Royaume-Uni, les magistrats financiers estiment que les risques sont « persistants » malgré des efforts pour restructurer une filière appelée à tenir le cap de la relance de l’atome fixé par Emmanuel Macron. En février 2022, le président avait annoncé depuis Belfort vouloir construire six nouveaux réacteurs de nouvelle génération EPR2 avec une option pour huit autres, rompant ainsi avec de longues années de jachère pour cette industrie.Depuis, EDF, qui a été renationalisée, a réorganisé sa gouvernance et rationalisé ses processus. Les turbines Arabelle sont revenues sous le giron français. Mais la filière « est loin d’être prête et doit encore surmonter de nombreux défis dont certains sont préoccupants », préviennent les Sages de la rue de Cambon. Parmi ses griefs, la Cour constate qu’EDF a refusé « de manière délibérée et persistante » de lui communiquer des informations « sur la rentabilité et le coût de production prévisionnels » de Flamanville et de l’EPR2, comme recommandé dans son rapport de 2020. Or la Cour a fait les comptes et prévoit « une rentabilité médiocre pour Flamanville 3 ». « La rentabilité prévisionnelle du programme EPR2 reste à ce stade inconnue, d’autant que les conditions de financement de ce programme ne sont toujours pas arrêtées », ajoutent les magistrats financiers.Flambée des coûtsLa Cour demande ainsi de « retenir la décision finale d’investissement du programme EPR2 », envisagée pour début 2026 par EDF, « jusqu’à la sécurisation de son financement et l’avancement des études de conception détaillée », une étape commencée seulement en juillet 2024. Elle recommande en outre de « limiter l’exposition financière d’EDF » dans ses projets d’EPR à l’étranger et de « s’assurer » que tout nouveau projet international nucléaire « ne ralentisse pas le calendrier » du programme en France.Jusqu’ici les arbitrages sur les modalités de financement ont sans cesse été repoussées, et ce alors qu’EDF demande « plus de visibilité sur l’engagement de l’État en termes de financement », comme l’a admis en novembre l’ancienne ministre de l’Energie Olga Givernet.Selon un chiffrage d’EDF de fin 2023 et dans l’attente d’une réévaluation, le coût de construction des six premiers EPR2 a déjà flambé de 30%, de 51,7 milliards à 67,4 milliards d’euros, « à conditions économiques inchangées et hors effet de l’inflation », précise la Cour des Comptes.
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Publish date : 2025-01-14 09:30:00
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