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Amélie de Montchalin mesure la précarité de son bail à Bercy. Dans un entretien au Parisien, la ministre des Comptes publics dévoile son ébauche de budget 2025, qu’elle dépouille de toute ossature idéologique ostensible. « Ce budget ne sera ni celui de la droite, ni celui de la gauche, ni celui du centre. Ce ne sera pas le budget idéal d’un parti, mais d’un pays. » Voilà la prochaine loi de finances envoyée par l’exécutif dans un no man’s land politique. Au-dessus des contingences partisanes, afin de la protéger de la censure. Ainsi, la ministre fait mine de se désintéresser de « l’étiquette politique » de ses futurs soutiens. « Je cherche des parlementaires qui veulent agir en responsabilité », insiste-t-elle. »Responsabilité. » L’exécutif répète cet argument ad nauseam pour rallier l’opinion publique et le Parti socialiste à sa cause. Michel Barnier a mesuré la non-fiabilité du Rassemblement national en décembre, son successeur François Bayrou mise sur l’indulgence de la gauche pour franchir l’obstacle. Alors, l’ex-majorité présidentielle exhorte le PS à faire preuve de « responsabilité », dans des appels ambivalents. On y convoque la glorieuse histoire socialiste et sa qualité de « parti de gouvernement » pour mieux lui tordre le bras. Son passé l’obligerait pour l’avenir. La gauche a saisi le piège, et ne laisse pas au pouvoir le monopole d’un trait si consensuel. « Chacun doit être responsable, y compris le gouvernement », lançait lundi Olivier Faure à l’issue d’un entretien à Bercy avec le ministre de l’Economie Eric Lombard. Le Premier secrétaire du PS a ainsi demandé des gestes « remarquables » pour les « Françaises et les Français » afin d’épargner l’exécutif. »Cercle de la raison »Le gouvernement désidéologise son budget ; Eric Lombard n’exclut pas une hausse de la flat tax ou une lutte contre l’optimisation fiscale pour séduire la gauche. En parallèle, l’opposition se rend à ses invitations et se garde de mots définitifs. Personne ne veut porter le mistigri de l’irresponsabilité. Celui qui détient ce boulet est contraint aux concessions. Celui débarrassé de ce fardeau peut imposer ses vues à un partenaire affaibli. « En temps de crise, chacun attend de l’adversaire qu’il cède le premier », note le député Ensemble pour la République (EPR) de Gironde Florent Boudié, satisfait de l’ouverture de François Bayrou sur les retraites.La « responsabilité », une notion aussi subjective qu’intéressée. Celui qui l’emploie s’érige en juge-arbitre des comportements politiques vertueux. La gauche y perçoit un argument d’autorité du pouvoir, habillée de sagesse. Les appels à la responsabilité du camp macroniste ne seraient qu’une astuce sémantique visant à imposer ses vues idéologiques. A conserver sa politique au titre d’un intérêt présumé supérieur, tant les grands équilibres du budget Barnier ne devraient pas être bouleversés. « La responsabilité selon les macronistes ne sort pas des contours qu’eux-mêmes ont dessinés pour le cercle de la raison », raille le député GDR Emmanuel Maurel. L’irresponsabilité, ne serait-ce pas cette absence d’inflexion doctrinale ?L’ex-majorité épingle, elle, l’intransigeance de la gauche. Elle énumère ses votes jugés incongrus lors de l’examen budgétaire. Ici, des hausses fiscales inconstitutionnelles. Là, l’abrogation de la réforme Touraine portée par le PS en 2014. « La responsabilité, c’est de se comporter dans l’opposition avec le même sérieux que si on était au pouvoir. Toute différence politique n’est pas irresponsable. Ce qui l’est, c’est le double langage », juge le député EPR de Paris David Amiel. »La crise de régime guette »Des compromis, jusqu’où ? Où tracer la limite entre respect d’un ADN politique et « l’irresponsabilité » ? La tripartition de l’Assemblée confronte les acteurs politiques à des arbitrages inédits sous la Ve République. La gauche est dans l’opposition, mais majoritaire dans son hostilité au gouvernement Bayrou. Elle ne tire plus à blanc contre l’exécutif. Ses balles, réelles, ont eu raison du gouvernement de Michel Barnier. Les motions de censure ne sont plus des gestes symboliques, mais des actes empreints de gravité.Le Parti socialiste est ainsi contraint d’inventer en temps réel une doctrine d’opposition contre le gouvernement. Trouver un équilibre entre la manifestation de son opposition à un exécutif resté macroniste et la préservation d’une stabilité politique, qu’il ne compte pas déchirer. Ainsi l’ancien président François Hollande confère en privé à la non-censure une valeur institutionnelle. « Un accord de non-censure n’est pas uniquement destiné à obtenir des avancées. Il en faut, tout comme des concessions. Mais il vise à ce que le système ne s’emballe plus, sinon la crise de régime guette. Elle ne profiterait qu’à Marine Le Pen. » L’exécutif le sait. Ses appels à la responsabilité nourrissent son récit, mais ne se suffisent plus. « Il faut faire très attention nous-mêmes à ne pas abuser de cette rhétorique, qui nourrit le procès en arrogance, admet David Amiel. On ne peut pas avoir comme seul projet une prudence gestionnaire qui virerait à l’immobilisme conservateur. » Ligne de conduite ou procédé rhétorique : la « responsabilité » en 2025 a de nouvelles règles.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2025-01-07 09:03:00
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