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L’Express

Prix de l’électricité : gare à l’effet papillon venu d’Allemagne




« Je suis furieuse contre les Allemands. Ils ont pris une décision pour leur pays, qu’ils ont le droit de prendre. Mais celle-ci a eu des conséquences très graves », lâchait, le 12 décembre dernier, la ministre suédoise de l’Energie, Ebba Busch sur la chaîne publique SVT. Mais quelle mouche a donc piqué la responsable de la politique énergétique suédoise ? Une anomalie. Ou plutôt une imperfection dans le marché de l’électricité européen. Quand le vent ne souffle pas suffisamment fort en Allemagne, le fait de prendre une douche chaude dans le sud de la Suède coûte 167 fois plus cher que dans le nord !Un article publié dans le quotidien Aftonbladet résume la situation : le 11 décembre dernier, les prix de l’électricité dans le sud de la Suède étaient nettement supérieurs à ceux pratiqués dans le centre. Une douche de 10 minutes à Malmö coûtait ainsi plus de 2,65 euros contre 0,01 euros à Sundsvall, dans le centre du pays. Cet écart s’explique en partie par une mauvaise connexion entre le nord de la Suède, où persiste un excédent d’énergie hydroélectrique, et le sud où la demande d’énergie plus élevée et la production locale limitée entraînent de fréquentes pénuries.Cependant, pour Ebba Bush, le vrai coupable, c’est l’Allemagne. En sortant prématurément du nucléaire, le pays s’est privé de 22 GW de puissance électrique. Sans ce socle, l’Allemagne devient très dépendante des énergies renouvelables. Tout va bien quand le vent souffle suffisamment. Mais lorsqu’il n’alimente plus les éoliennes – un phénomène connu sous le nom de Dunkelflaute – notre voisin est obligé de faire tourner ses centrales à gaz et à charbon et d’importer de l’électricité des pays proches, dont la Suède. Cet appel fait grimper fortement le prix sur les marchés des deux cotés de la mer Baltique.En novembre dernier, sur les marchés de gros en Allemagne, les prix avaient enregistré un pic à 963 euros par megawattheure suite à un manque de vent. A la mi-décembre, ces mêmes prix ont failli franchir la barre des 1 000 euros, atteignant leur niveau le plus élevé des dix-huit dernières années. Cette brusque remontée pénalise les entreprises non couvertes par des contrats d’approvisionnement à long terme et les consommateurs ayant souscrit des contrats à prix variables. Bien sûr, la flambée est temporaire. En quelques jours, les tensions sur les marchés disparaissent. Sur l’année, la Suède profite encore de prix de l’électricité relativement faibles – entre 25 et 50 euros par megawattheure, contre 57 euros en France et 78,5 en Allemagne. « Mais le phénomène n’est quand même pas négligeable », estime Damien Ernst, professeur à l’Université de Liège et Télécom Paris.L’Europe coincée entre deux phénomènesD’abord d’un point de vue climatique. L’Allemagne va retarder la fermeture de ses centrales les plus émettrices en CO2 pour assurer ses arrières. Par ailleurs, « plus l’Allemagne avance dans sa transition et installe des éoliennes, plus l’impact des Dunkelflauten sur les marchés se renforce. C’est mécanique », explique Nicolas Leclerc, cofondateur du cabinet de conseil Omnegy. Ces configurations météorologiques défavorables sont plus fréquentes qu’on ne le pense : l’Association européenne des producteurs d’électricité et de chaleur avait déjà recensé 160 périodes de faible production éolienne entre 2010 et 2016, avec chaque année, un épisode prolongé de vents faibles durant dix à quatorze jours. »L’Europe se retrouve coincée entre deux phénomènes, analyse Daniel Ernst. D’un coté, les prix de l’énergie peuvent augmenter fortement lorsqu’il n’y a pas de vent. Mais de l’autre, le Vieux Continent connait aussi de plus en plus de périodes durant lesquelles ces mêmes prix sont négatifs ». C’est le cas notamment lorsque les énergies renouvelables produisent trop par rapport à la demande. « Cela crée une difficulté, estime Daniel Ernst. Dans l’éolien, les développeurs ne peuvent pas s’assurer de la rentabilité de leur investissement. Ces dernières semaines, il y a eu un appel d’offre au Danemark pour de l’éolien en mer. Et personne n’a répondu », remarque l’économiste.De manière générale, l’Europe doit donc faire face à plus de volatilité sur les prix de l’énergie. Comment sortir de ce mauvais pas ? En multipliant les PPA, ces contrats de livraison d’électricité courant sur plusieurs années et en développant les interconnexions entre les différents pays. Le problème ? Les PPA ne semblent pas beaucoup séduire les entreprises, à l’image de ce qui se passe en France. Les interconnexions, quand à elles, prennent du temps et coûtent cher. Le prix de la douche en Suède a donc toutes les chances de rester un sujet de discorde.



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Author : Sébastien Julian

Publish date : 2024-12-18 11:30:00

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