C’est le genre d’histoire que j’adore. Savez-vous qu’une licorne s’appelle ainsi à la suite d’une double erreur ? Eh oui !Cet animal fabuleux se nommait en latin unicornis, autrement dit « doté d’une seule corne ». Seulement voilà : au fil du temps, notre « unicorne » a été comprise comme l’article indéfini « une » suivi du nom « icorne » : « une icorne ». Dans la foulée, on a donc « logiquement » créé « l’icorne », avec un article défini. Première erreur ! Mais on ne s’en est pas tenu là. Un peu plus tard, on a perdu de vue qu’il s’agissait de deux mots séparés pour les rassembler en un seul : « l’icorne » est alors devenue « licorne », d’où « la licorne » !Pas mal, non ?VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR AUTOMATIQUEMENT CETTE INFOLETTRE ? >> Cliquez iciC’est là une illustration amusante du destin de certains termes que l’on appelle les mots soudés. On les emploie tous les jours sans y prendre garde, en oubliant qu’à l’origine, ils se composaient de deux vocables différents. Et pourtant, ces agglutinations, comme disent aussi les linguistes, se rencontrent fréquemment, vous allez le voir.Certains présentent tous les dehors de l’évidence. « Bonjour » correspond bien sûr à une composition associant « bon » et « jour ». « Bonhomme » à l’union de « bon » et d’ »homme ». Il en va de même pour « adieu », « entracte », « madame », « portefeuille », etc.D’autres ont été légèrement déformés par le temps et sont un (tout petit) peu plus difficiles à reconnaître. « Naguère » correspond ainsi à la soudure de l’expression « n’a guère » (il n’y a pas longtemps) ; « gendarme » à la liaison de « gens » et « d’arme », et « vinaigre » à celle de « vin » et d’ »aigre ». Dans ce dernier exemple, c’est la prononciation qui a changé, puisque l’on ne prononce pas « vin » « aigre », mais « vi-naigre ». Au départ, pourtant, il s’agissait bel et bien d’un vin aigri par la production de l’acide acétique.D’autres encore supposent de réelles connaissances linguistiques pour être reconstitués. Jugez plutôt :L’expression « être dupe » est la contraction de « de » et de « huppe », ce terme désignant un passereau réputé stupide. Terme argotique à l’origine, il a accédé par la suite à la langue littéraire avec le sens de « crédule », « naïf », « niais », acceptions que l’on retrouve aussi dans « plumé » et dans « pigeon ». Pauvres piafs ! »Jadis » est l’évolution de l’ancien ja a dis, dis faisant référence aux jours (comme dans lundi, mardi, mercredi, tous issus du latin diem). Il faut donc comprendre « il y a déjà plusieurs jours ».Plus extravagant encore : comme notre licorne, certains mots soudés résultent de « mécoupures » totalement rocambolesques. En clair : des erreurs dans la transcription écrite du découpage des sons que l’on entend à l’oral. Jugez plutôt.On l’ignore souvent, mais « le lendemain » est un effroyable pléonasme ! En effet, on a affaire ici à l’agglutination de l’article « l’ » et du mot « endemain ». C’est à force d’effectuer la liaison que l’erreur a été commise. « L’endemain », qui se suffisait à lui seul, a fini par être perçu comme un vocable en soi, si bien que l’on a éprouvé le besoin de le faire précéder d’un « le » superfétatoire. Un peu comme si l’on disait « le lavion » ou « le lorage »…Même phénomène pour le lierre, qui s’écrivait au Moyen Age iere ou ierre. Ce mot est en effet issu du latin hedera et devrait donc s’écrire « l’ierre ». Notons au passage que le vocable a également changé de genre, puisqu’il était au départ féminin. »Tante » est la contraction de l’ancien français ta ante, ante (sans le « t » initial) désignant la sœur du père ou de la mère (on le reconnaît facilement dans l’anglais aunt).Erreur encore pour « l’alaise » (on peut écrire aussi « l’alèse ») puisqu’il s’agit en fait de la laize, ce dernier mot ayant au départ le sens général de « largeur », et notamment de « largeur d’étoffe ». C’est en raison d’une mauvaise interprétation que la laize est devenue « l’alaise »…Il en va de même pour « la griotte », qu’il faudrait en fait écrire « l’agriotte », puisque le terme provient du provençal agriota (cerise aigre).C’est aussi probablement le cas de « la boutique », que l’on suppose venir du grec apothêkê (lieu de dépôt, magasin de vivres), l’aboutique devenant au fil du temps « la boutique ». On retrouve d’ailleurs le mot originel dans « apothicaire », création tardive du XIIIe siècle.Autant de bizarreries qui, selon certains, justifieraient une sérieuse réforme de notre orthographe, mais qui, selon d’autres, contribuent au contraire à faire le charme de l’alangue française…Source : Dictionnaire historique de la langue française, éd. le Robert.CETTE LETTRE S’INTERROMPT PENDANT LES FÊTES. RENDEZ-VOUS À LA RENTRÉE !A lire ailleurs23 % des habitants du Grand Est déclarent comprendre une langue régionaleC’est la conclusion d’une enquête menée par le ministère de la Culture dans cette région (6 % de réponses positives « spontanées », 17 % de réponses positives après relance). Un résultat d’autant plus encourageant que ce pourcentage prend en compte le platt (ou francique) et le lorrain, mais, curieusement, pas l’alsacien, la langue la plus pratiquée dans le Grand Est. 27 % des habitants déclarent par ailleurs regretter de ne pas comprendre au moins l’une des langues de la région.La justice interdit l’emploi du catalan en première langue lors des conseils municipauxLe tribunal administratif de Toulouse vient d’interdire l’usage du catalan en première langue lors des conseils municipaux de cinq communes des Pyrénées-Orientales, autorisant seulement une traduction après une première lecture en français. Une absurdité, selon Nicolas Garcia, le maire d’Elne : « Si on commence par le français, l’auditeur a tout compris et n’écoute plus la traduction. » Les élus vont maintenant saisir le Conseil d’Etat, puis le Tribunal européen de Strasbourg afin de plaider « la violation des droits linguistiques », a expliqué leur avocat, Me Mathieu Pons-Serradeil. La commune d’Elne engagera quant à elle lors du conseil municipal du 18 décembre un mouvement de « désobéissance civile » avec des prises de paroles en catalan, puis en français.10 mots qui ont changé de sensLe saviez-vous ? Notre « biberon » désignait au départ le bec d’un vase ; « subjuguer » voulait dire « faire passer sous le joug, soumettre » ; un « strapontin » était au départ un petit matelas… Dans cet article, les éditions le Robert reviennent sur le sens originel de dix mots de notre vocabulaire courant.Un anglicisme est-il un mot français ?Oui, estiment ici Jérôme Piron et Arnaud Hoedt, deux membres du collectif des Linguistes attéré·e·s. « Un anglicisme, par définition, est un mot français ou tout du moins francisé. Sinon, ce serait juste un mot anglais, résument-ils. Un anglicisme, comme « spoiler » ou « youtubeur », c’est un mot français d’origine anglaise, comme « pantalon » est un mot français d’origine italienne ou « nénufar » un mot français d’origine persane. Alors pourquoi opposer anglicisme et mot français ? » Une opinion à la fois provocatrice et argumentée que l’on peut, comme moi, ne pas partager, pour des raisons que j’ai déjà exposées et sur lesquelles je reviendrai dans un prochain article.Le français, troisième langue la plus étudiée dans le monde sur DuolingoSans surprise, l’anglais reste la langue la plus étudiée dans le monde sur Duolingo, une appli d’enseignement à succès. Les apprenants la plébiscitent parce qu’ils la considèrent comme la plus utile pour leurs études et leur carrière professionnelle. le français arrive à la troisième place, derrière l’espagnol, mais devant l’allemand et le japonais.Participez au concours des Mots en or 2025Si vous êtes enseignants de français ou documentaliste, vous pouvez inscrire vos élèves au concours des Mots en or 2025. Organisée par la fondation Voltaire, cette épreuve originale invite les élèves de la sixième à la seconde à enrichir leur bagage lexical à travers une aventure en équipe tout au long de l’année.Et si vous offriez un kit de création multilingue ?L’association Dulala (pour « d’une langue à l’autre ») a mis au point un jeu de pliage ludique qui invite les enfants à s’amuser avec les langues.Nouveau lexique français-alsacien sur le vocabulaire du quotidienL’Office pour la langue et les cultures d’Alsace et de Moselle (Olca) édite un nouveau lexique bilingue français-alsacien consacrés aux mots et expressions de la vie quotidienne : « Wàs brücht m’r ìm Elsàss ? ». Il est disponible en versions papier, numérique et audio.Dictionnaire usuel gascon-français et français-gasconCet ouvrage n’est pas seulement lexicographique, puisque son auteur, Louis-Marie Braun-Darrigrand, poursuit trois autres ambitions : une modernisation de la graphie, un décentrement par rapport au Béarn, zone traditionnellement privilégiée dans l’ensemble gascon, et une étude historique consacrée aux liens entre Gascons, Vascons et Vikings.Dictionnaire usuel gascon-français, français-gascon, par Louis-Marie Braun-Darrigrand. éd. l’Esvelhadou.A écouterLe catalan et les langues régionales, une menace pour l’Etat ?Philippe Blanchet estime que le refus de la justice de laisser les communes des Pyrénées-Orientales délibérer d’abord en catalan puis en français relève du « dogme ». « L’argument, estime le professeur en sociolinguistique, c’est que les autres langues seraient une menace. Cela n’a évidemment jamais été prouvé d’autant que plusieurs pays européens ont plusieurs langues officielles comme l’Espagne, l’Italie, la Suisse ou la Belgique […]. Il y a chez nous une vision pyramidale où Paris doit s’imposer au reste du territoire avec sa langue ».A regarderBayrou, fervent partisan des langues régionalesOn peut penser ce que l’on veut de Français Bayrou, mais le nouveau Premier ministre est incontestablement un fervent partisan des langues régionales. Regardez-le ici après la censure de la loi Molac (la seule jamais votée sur le sujet sous la Ve République) par le Conseil constitutionnel, que le maire de Pau dénonce comme « une fausse interprétation de la Constitution ». « J’étais membre du Parlement lorsque l‘on a voté cet article « la langue de la République est le français », rappelle-t-il. On l’a voté pour lutter contre l’anglais et on se sert de cette arme indûment pour attaquer les précieuses langues régionales de la France ». Reste à savoir si l’hôte de Matignon aura la volonté et le temps de s’intéresser à ce sujet.Mon cadeau de Noël : Lo Boier, par le groupe SamaïaQui dira jamais la beauté de la polyphonie, a fortiori lorsqu’elle est servie par trois voix magnifiques ? Ecoutez cette version d’un classique du répertoire occitan, Lo Boier (le laboureur), interprétée de manière aussi originale que bouleversante par le groupe Samaïa.RÉAGISSEZ, DÉBATTEZ ET TROUVEZ PLUS D’INFOS SUR LES LANGUES DE FRANCE SUR la page Facebook dédiée à cette lettre d’information
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Author : Michel Feltin-Palas
Publish date : 2024-12-17 06:15:00
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