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L’Express

Friedrich Merz, le conservateur qui sera peut-être calife à la place du calife




Il mesure 1 m 98, ce qui le distingue très nettement d’Iznogoud, le petit vizir méchant et hargneux qui sévit à la cour du calife Haroun El Poussah, dans la bande dessinée de Goscinny et Tabary. Mais il aura comme lui pris le temps de mûrir sa revanche, pour ne pas dire sa vengeance, au nom de cette idée fixe universellement partagée en politique que le héros de la BD se répète à lui-même sans inhibition et en serrant rageusement les poings, devenue une citation célèbre : « Je veux être calife à la place du calife. »Friedrich Merz a longtemps eu affaire à son Haroun El Poussah, Angela Merkel. Plus à droite qu’elle, plus libéral économiquement et plus conservateur, ce catholique au physique austère fut son ennemi intime au sein de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), et ainsi l’une des nombreuses victimes de la « serial killer » qui réussit, pour accéder à la Chancellerie, à tuer tranquillement et sans faire de bruit ceux qui, d’Helmut Kohl à Wolfgang Schäuble, entravaient son ascension.Depuis qu’elle l’avait écarté du pouvoir en prenant sa place à la tête du groupe des conservateurs CDU/CSU au Bundestag en 2002, alors présidente de la CDU et pas encore chancelière, il lui vouait une détestation connue de tous. Il a quitté la politique pour devenir avocat d’affaires et multimillionnaire, se rendait dans son avion privé à des réunions et au mariage de l’ex-ministre Christian Lindner, jouait de la clarinette avec l’une de ses filles au piano, dans sa Rhénanie-du-Nord-Westphalie natale. Et attendait patiemment son tour.Un adulte dans la pièceIl aura 70 ans en 2025, et le moment est venu. Friedrich Merz, qui a accédé à la présidence de la CDU en janvier 2024 après deux échecs successifs, est favori dans les sondages pour devenir le prochain chancelier fédéral d’Allemagne, au terme des élections anticipées du 23 février. Ses déboires passés rendent d’autant plus spectaculaire son retour en force et la chronique de son apogée annoncée.Il pourrait surtout se retrouver l’un des rares « adultes dans la pièce », alors que l’Union européenne brinquebalante se trouve en mal de leadership au pire moment, dans un contexte de guerres et d’instabilité mondiale explosif, et face aux défis les plus graves qu’elle ait jamais connus. Le président Macron a perdu son autorité à Bruxelles et dans le monde depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et le feuilleton de turbulences qui s’est ensuivi, conjugué au gouffre de la dette publique. L’Italienne Giorgia Meloni, idéologiquement proche de son homologue hongrois Viktor Orban, n’apporte à l’Europe qu’un soutien modéré. Le chancelier de la première économie européenne est aujourd’hui le maillon faible.Carte anti-ScholzOlaf Scholz a mis fin à sa coalition et doit se soumettre à un vote de confiance au parlement le 16 décembre. Il le perdra, ce qui ouvrira la voie à un scrutin national en février, sept mois avant la date prévue. Pour réorganiser l’indispensable organisation de la défense et de la sécurité de l’Europe, la France, qui reste aux avant-postes, doit s’appuyer sur la Pologne de Donald Tusk et, hors de l’UE, sur son jumeau militaire et diplomatique qu’est le Royaume-Uni, fermement engagé dans le soutien à l’Ukraine avant et depuis l’arrivée du Premier ministre travailliste Keir Starmer. Et sur le futur chancelier allemand.Friedrich Merz joue à fond la carte anti-Scholz, lequel incarne la tradition du Parti social-démocrate prônant pacifisme et proximité avec la Russie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, Olsf Scholz est pusillanime à l’égard de Vladimir Poutine et s’oppose toujours à la livraison à Kiev des missiles de moyenne portée Taurus. A la posture revendiquée de « chancelier de la paix » que revendique Scholz et au pacifisme prorusse que porte à sa manière et non sans succès le parti d’extrême droite AfD, Friedrich Merz oppose le réalisme géopolitique en assumant un discours belliqueux, et quand il cite Montaigne, « la couardise est la mère de toutes les cruautés », c’est une allusion peu discrète à son prédécesseur.Outre les questions d’identité, d’immigration et de pouvoir d’achat qui traversent toutes les élections occidentales, la guerre en Ukraine sera l’enjeu des élections du 23 février. Si Friedrich Merz l’emporte, le chancelier allemand qui est déjà en relations régulières avec Emmanuel Macron deviendra l’une des voix fortes de l’Europe en ce moment crucial et tragique.



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Author : Marion Van Renterghem

Publish date : 2024-12-11 11:00:00

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