Les plus anciens diront qu’à plusieurs reprises déjà, par le passé, l’idée d’un musée de Notre-Dame de Paris a été envisagée, puis abandonnée. 2024 aurait dû être l’année où, enfin, elle se réalisait. Le 8 décembre 2023, lors d’une visite du chantier de la reconstruction de la cathédrale, Emmanuel Macron s’était déclaré favorable à la création d’un tel lieu. Charles Personnaz, directeur de l’Institut national du patrimoine, avait été chargé d’en dessiner les contours. Mais alors que les 7 et 8 décembre, le chef de l’Etat célèbre en grand apparat la réouverture de Notre-Dame de Paris, le financement d’un musée attenant paraît moins prioritaire, et l’ambition des pouvoirs publics, plus modeste.Il y a quelques mois, le projet paraissait pourtant consensuel. A l’Elysée, au diocèse de Paris, au ministère de la Culture ou à l’Hôtel de Ville, tous avaient conscience que lors de sa réouverture, après cinq ans sans visite, la cathédrale attirerait plus de curieux et de croyants que jamais. Déjà, avant l’incendie, elle était le lieu le plus fréquenté de France, loin devant le musée du Louvre et le château de Versailles. Désormais, avec quelque 15 millions de personnes attendues chaque année, un musée à proximité permettrait de mieux réguler les flux. Pour tester l’idée, un premier rapport est commandé à Charles Personnaz mi-2023. Après le feu vert présidentiel, un second suit, au printemps 2024. Mais il n’est jamais rendu public. Le projet suscite des réserves sur au moins trois points.Une impasse géographiqueLe premier concerne sa localisation. L’idéal, pour faciliter le passage de la cathédrale au musée, consisterait à l’installer dans l’Hôtel-Dieu, tout proche. Mais l’AP-HP a déjà un projet pour l’ancien hôpital, mené par le promoteur Novaxia, mêlant soins, entreprises, logements et commerces. L’AP-HP n’a pas les moyens de se dédire, elle a besoin de ces recettes. Elle traîne des pieds sur le projet de musée, refuse de lui offrir des locaux donnant sur le parvis de la cathédrale, les plus lucratifs pour le promoteur. A force de négociations, un compromis est trouvé, le musée pourrait disposer de plusieurs milliers de mètres carrés à l’arrière, du côté du marché aux fleurs, avec éventuellement un passage par l’entrée principale. Mais l’accord n’est encore que de principe car le projet de l’Hôtel-Dieu dans son ensemble est suspendu à une modification du plan local d’urbanisme sur laquelle le Conseil de Paris, divisé, a renoncé à voter. Or la « déclaration d’utilité publique » qui pouvait s’y substituer n’a toujours pas été accordée par la préfecture, l’AP-HP ayant tardé à déposer la demande. On parle désormais du début de 2025.Dans l’intervalle, à cette impasse géographique, sont venues s’ajouter des interrogations sur le contenu et la philosophie du musée. Dans son rapport, Charles Personnaz prévoit un parcours chronologique mêlant trois thématiques : l’histoire de la cathédrale et de son quartier, l’île de la Cité, celle de la production artistique liée à Notre-Dame et celle du chantier depuis sa construction jusqu’à sa rénovation contemporaine. Mais le projet fait grincer des dents. D’abord, parce qu’il signifie que plusieurs musées, celui de Cluny dédié au Moyen Age, le Louvre, les Beaux-Arts d’Arras et quelques autres devront transférer une partie de leurs collections à ce nouveau lieu. Une concession souvent mal vécue. Le profil et le parcours de Charles Personnaz, très engagé auprès des Chrétiens d’Orient, font, en outre craindre un parcours muséographique plus religieux que culturel. Quelques lignes de son rapport sur les « raisons d’être d’un musée de Notre-Dame » ont contribué à alimenter les inquiétudes.Enfin, les moyens nécessaires à l’ouverture de ce musée ne sont pas franchement dans l’air du temps. Certes, le projet de Charles Personnaz table sur un substantiel apport de la billetterie aux frais de fonctionnement. En espérant capter 5 % des visiteurs de Notre-Dame avec un panier moyen de 7 euros, une grosse partie des besoins serait couverte. Mais l’apport pour la création du musée, estimé au minimum à 120 millions d’euros, reste à trouver. Le ministère de la Culture, avec son budget 2025 équivalant à celui de l’année précédente, ne peut se le permettre qu’au détriment de l’entretien d’autres grands établissements. Déjà, dans les couloirs du pouvoir, certains commencent à parler d’une offre plus modeste, quelques centaines de mètres carrés placés sous l’égide du Centre des monuments nationaux autour de l’histoire du chantier. Une manière officieuse d’enterrer le projet.
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Author : Agnès Laurent
Publish date : 2024-12-06 07:00:00
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