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On ne peut pas dire que ce soit vraiment une surprise. Comme on pouvait s’y attendre, la Cour d’Appel de Marseille a annulé le 19 novembre le règlement intérieur de l’Assemblée de Corse qui prévoyait la possibilité pour les élus de s’exprimer soit en corse soit en français. Selon les magistrats, cette disposition serait incompatible avec l’article 2 de la Constitution, qui stipule : « La langue de la République est le français ». Un arrêt d’autant plus prévisible que la traduction en français n’était pas systématiquement prévue.Le 9 mars 2023, déjà, le tribunal administratif de Bastia avait pris la même décision. Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de l’île, avait aussitôt fait appel. De la même manière, il annonce aujourd’hui qu’il va former un pourvoi devant le Conseil d’Etat, et qu’il entend également contester cette décision devant les juridictions européennes et internationales.On peut reprocher beaucoup de choses à cet ancien avocat devenu l’homme fort politique de la Corse, mais il connaît parfaitement le droit. Il savait très bien que ses chances de l’emporter devant la Cour d’appel de Marseille étaient nulles. Il a parfaitement conscience aujourd’hui qu’il perdra de nouveau devant le Conseil d’Etat. S’il se lance néanmoins dans ces procédures, c’est donc qu’il a un autre objectif en tête, que voici.Depuis des années, Gilles Simeoni réclame des mesures pour la langue corse. Depuis des années, les Corses approuvent cette revendication en lui accordant des majorités de plus en plus amples. Depuis des années, rien ou presque ne se passe. En cause : l’interprétation par le Conseil constitutionnel de ce fameux article 2 de la Constitution. Selon cette institution, ce dernier interdirait toute mesure significative en faveur des langues dites régionales. C’est peu dire que cette version est critiquée par de nombreux spécialistes, qui rappellent qu’il a été voté en 1992 dans un but unique, s’opposer à l’anglais, avec de surcroît l’engagement solennel des parlementaires et du gouvernement de l’époque de n’être jamais utilisé contre les autres langues de France. Orientation que le Conseil constitutionnel ignore systématiquement depuis 32 ans. Il n’empêche : aussi contestables soient-elles, ses décisions s’imposent à tous, et notamment aux tribunaux administratifs et aux Cours d’Appel.Dès lors, il n’est qu’une solution, et Gilles Simeoni la connaît parfaitement : modifier la Constitution. C’est pour cela qu’il mène cette bataille juridique. Il entend démontrer par l’absurde que, dans l’état actuel du droit, il est impossible de défendre les langues minoritaires sans changer notre loi fondamentale. Un objectif ambitieux, mais pas forcément irréaliste. En 2021, la loi Molac – la seule jamais votée en faveur des langues régionales sous la Ve République – avait réuni une large majorité de députés et de sénateurs. Et un projet constitutionnel pour une autonomie de la Corse a été sérieusement envisagé. D’où cette formule : « Le droit de s’exprimer en langue corse au sein de l’Assemblée de Corse est contraire à la Constitution ? Notre réponse : il faut changer la Constitution ! »Un combat qui s’inscrit dans le temps longOn peut approuver ou non la volonté du nationaliste corse, mais pas son raisonnement car, en la matière, il n’est que deux hypothèses possibles. La première ? Si la France, comme elle l’affirme, entend vraiment sauver ses langues dites régionales, la seule solution consiste à leur accorder un statut de co-officialité. En clair : permettre leur utilisation – au côté du français – dans les crèches, les écoles publiques, les administrations, les entreprises, les médias publics, les assemblées politiques, etc. Chez nous, cette idée surprend, mais c’est ce qui se pratique dans la plupart des démocraties occidentales. Au Pays de Galles (Royaume-Uni), l’enseignement du gallois est obligatoire dans quasiment toutes écoles jusqu’à 16 ans. Dans le haut-Adige (Italie), un citoyen germanophone peut plaider en allemand. Au Québec (Canada), le français est la seule langue de communication officielle des entreprises. A Helsinki (Finlande), la minorité suédophone suit ses cours en finnois le matin, en suédois l’après-midi. Et l’on pourrait continuer en citant l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, le Luxembourg, la Suisse et la plupart des démocraties occidentales.Seconde hypothèse : notre pays, très en retard sur ces questions, continue de refuser de prendre de telles mesures. Et dans ce cas, la suite est connue. Selon l’Unesco, toutes les langues de France auront disparu d’ici à la fin du siècle.C’est devant cette alternative que Gilles Simeoni entend placer Emmanuel Macron ou, compte tenu de l’incertitude politique actuelle, son successeur. Peu lui importe : le combat pour les langues minoritaires s’inscrit dans le temps long.
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Author : Michel Feltin-Palas
Publish date : 2024-12-04 11:00:00
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