Le bombardement russe sur la cité ukrainienne Dnipro, le 21 novembre, avant l’aube, tranche avec ceux des dernières semaines. Pour la première fois depuis le début du conflit, la Russie a « testé » un missile balistique de portée intermédiaire. Ce type de vecteur, prétendument inarrêtable pour des défenses antiaériennes, est spécifiquement conçu pour porter des charges atomiques. Pour éviter toute mésinterprétation, Moscou a donc prévenu Washington, une demi-heure avant, que le tir que les Occidentaux s’apprêtaient à détecter ne serait pas nucléaire, mais conventionnel.Mille jours après l’invasion de l’Ukraine par ses troupes, le président russe a décidé de hausser la menace en agitant avec force son chiffon rouge nucléaire. Le tir du 21, en tant que signalement stratégique, se veut l’expression de sa détermination à user, si nécessaire, de tous les moyens à sa disposition. Il suit – et ce n’est pas un hasard – la signature, deux jours plus tôt, d’un décret présidentiel établissant la nouvelle doctrine nucléaire russe, avec plusieurs changements par rapport à la précédente, qui remontait à 2020.Une dangereuse surenchère rhétoriqueComme critères d’utilisation, le Kremlin évoque les atteintes à son intégrité territoriale et non plus seulement une menace contre l’existence même de l’État russe. Autres nouveautés : l’élargissement de ce principe à son alliée, la Biélorussie, hôte d’armes nucléaires russes sur son sol ; et le fait d’écrire, noir sur blanc, qu’elle pourra utiliser l’arme atomique contre un État non-nucléaire attaquant la Russie et bénéficiant du soutien d’États détenteurs de l’arme atomique. Soit un pays comme l’Ukraine, qui doit se garder, à l’avenir, de tout nouvel aventurisme en territoire russe, comme dans la région de Koursk.Cette dangereuse surenchère rhétorique a plusieurs objectifs. Elle vise bien évidemment à briser tout espoir de reconquête de tout ou partie de ses territoires actuellement perdus par Kiev, alors qu’il est de plus en plus question de négociations de paix. Il s’agit également de diminuer le soutien des Européens et des Américains aux Ukrainiens. Poutine cherche à jouer sur la psychologie des décideurs occidentaux en faisant monter, en eux, la crainte d’une escalade plus rapide qu’ils ne l’imaginaient vers l’emploi d’armes atomiques russes. Entre les Occidentaux et lui, la guerre des nerfs est montée d’un cran.
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Author : Clément Daniez
Publish date : 2024-11-22 09:31:00
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