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L’Express

Trafic de drogue : le modèle italien, un exemple à suivre pour la France ?

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Le fatalisme, un travers bien de chez nous : un Français sur trois considère le déclin du pays comme irréversible, selon l’étude Fractures françaises de la fondation Jean-Jaurès publiée en octobre 2023. Quoi de surprenant dans une société où le président de la République en personne, à l’époque François Mitterrand, prétendait en juillet 1993 que « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé » ? L’idée que la politique ne peut peser sur le réel a continué à se diffuser, comme un venin paralysant l’action publique. Et pourtant, à quelques kilomètres de chez nous, des peuples d’irréductibles réformateurs résistent encore et toujours à l’impuissance.L’effort suppose d’abord un diagnostic clair, à long terme : en Italie, en Suède ou au Canada, c’est au bord du gouffre que les gouvernants ont élaboré des réformes d’ampleur, appelées à faire passer leur pays de malade à modèle. Surtout, il implique une volonté politique sans faille, outre la bureaucratie, les lobbys et ceux qui pensent que tout changement des pratiques est impossible. A l’heure où le nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier met en avant, jusque dans les intitulés de ses ministres, la « simplification », le « partenariat avec les territoires », la « souveraineté alimentaire » ou la « réussite scolaire », comme autant de promesses, on ne peut que leur conseiller d’aller jeter un œil à ce qui marche ailleurs.La scène s’est reproduite de multiples fois ce printemps : souvent sous l’œil des caméras, des forces de l’ordre mènent des interventions coup de poing contre des dealers. Les opérations « place nette », vitrine de l’action de l’exécutif contre le trafic de drogue, ont entraîné l’interpellation de plus de 4 650 individus, la saisie de 735 kilos de cannabis, de 18 kilos de cocaïne et près de 9 millions d’euros. Ponctuellement efficaces, elles ne viennent pas à bout des immenses structures qui constituent aujourd’hui le narcotrafic, et encore moins de ses têtes de réseaux. Pour y parvenir, la France pourrait s’inspirer d’un de ses voisins, l’Italie. Hantée depuis longtemps par les démons de la mafia, Rome a mis en place dès les années 1980 une série de mesures s’attaquant à la criminalité organisée. En avril, le ministre de la Justice d’alors, Eric Dupond-Moretti, avait d’ailleurs évoqué l’exemple italien des collaborateurs de justice comme piste de réforme française. Les « pentitis », ces repentis travaillant avec les enquêteurs pour leur donner les clés de leur ancien monde, sont une piste intéressante – mais à l’efficacité contestée – du monde judiciaire romain.Saisie des biens mal acquis par région italienne, par rapport au niveau nationalSi Paris devait prendre exemple sur l’Italie, une autre action a la faveur des experts : les enquêtes patrimoniales. Ces dernières ont été introduites en Italie dès 1982 par le juge Falcone, héraut du combat antimafia. « Al Capone, figure de la mafia italo-américaine, a été incarcéré en partie pour fraude fiscale. Falcone s’est donc intéressé à l’action des Américains contre le crime organisé », rappelle Clotilde Champeyrache, économiste spécialiste des mafias. « Il racontait qu’il avait ‘suivi l’argent’, c’est-à-dire remonté la piste par les chèques jusqu’au patrimoine », ajoute l’avocat Luca Luparia, professeur de procédure pénale à l’université de Rome. Cette méthode lui a survécu et a été systématisée dans l’Italie d’aujourd’hui, accompagnée de la saisie des biens concernés.En France, les enquêtes patrimoniales existent, mais sont bien moins développées. « Ce type d’investigations demande un travail chronophage, fastidieux, gourmand en enquêteurs, pointe Clotilde Champeyrache. Les services n’ont pas encore les moyens de déployer suffisamment de personnels pour rendre ces enquêtes systématiques. » D’après la spécialiste, ce travail de fond, qui ausculte méticuleusement chaque strate du trafic, est pourtant indispensable. « Le trafic de drogue doit être traité exactement comme n’importe quelle entreprise de criminalité organisée, avec une coordination similaire : chaque affaire locale est rattachée à une opération criminelle plus grande à un niveau national et international », explique Luca Luparia. Tentaculaire, la lutte contre le narcotrafic demande plus que de simples opérations coup de poing. Pour imiter l’Italie, « il faut du temps, de la formation, et plus de moyens », insiste Clotilde Champeyrache.

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Author : Alexandra Saviana

Publish date : 2024-09-25 18:00:00

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