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L’Express

Sciences Po : le lent déclin des Alumni, l’association des anciens élèves

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« Au moment des affrontements internes autour du conflit israélo-palestinien, on a connu une vraie fonte des neiges. Les adhérents se sont dit ‘on va de crise en crise, trop trop c’est trop !’ et ont rendu leurs cartes d’anciens », raconte Pascal Perrineau, le président de Sciences Po Alumni qui, entre mars et avril 2024, a enregistré une chute de 30 % des adhésions par rapport à l’année précédente. Auparavant, en 2021, il y avait eu l’affaire Olivier Duhamel, le président de la Fondation nationale des sciences politiques accusé d’inceste sur son beau-fils. Ou, en 2023, la démission de l’ancien directeur de l’école Mathias Vicherat à la suite d’une enquête ouverte pour violences conjugales. Après chaque scandale, le bureau reçoit un nombre considérable de courriers et de mails de diplômés inquiets pour l’image de l’école. « Avant, je réussissais à en récupérer pas mal mais c’est de moins en moins le cas parce qu’à l’inquiétude a succédé la colère », poursuit le politologue qui confie avoir perdu 1 000 cotisants en dix ans. L’association compte aujourd’hui 7 000 adhérents… Ce qui est peu comparé à la communauté de près de 100 000 alumni établis dans le monde entier.Durant cette période de procédure de nomination à la direction de Sciences Po, Pascal Perrineau explique avoir rencontré les différents candidats pour les sensibiliser au sort de l’association des anciens. Mais quelle influence a-t-elle véritablement sur l’organisation de l’école ? Et quelle est la véritable vocation de cette institution qui fêtera ses 150 ans l’année prochaine ? Créée en 1875, soit trois ans après la naissance de celle qu’on appelait alors l’ »Ecole libre de sciences politiques », elle a pour mission d’entretenir le « réseau Sciences Po » grâce notamment à son annuaire établi chaque année et qui facilite les mises en relation. Plusieurs clubs (consacrés à la culture et à l’art contemporain, à l’histoire, au rugby, au cinéma…) ou groupes professionnels (affaires publiques, communication, défense et géostratégie, éducation et recherche, santé, finance…) existent en son sein. Totalement indépendante de l’école, la structure qui compte dix salariés et une vingtaine de bénévoles, possède ses propres locaux et tire son financement des cotisations. Celles-ci peuvent s’élever de 25 euros, pour les étudiants, à 160 euros pour ceux ayant obtenus leur diplôme plus de sept ans auparavant. A cela s’ajoutent les fonds récoltés à travers les plus de 630 événements organisés chaque année en France et à l’étranger (conférences, galas, rencontres…). Ce qui représente un budget total d’1,6 million d’euros par an.L’une des principales missions de Sciences Po Alumni est surtout l’accompagnement professionnel non seulement des jeunes diplômés mais aussi des anciens. « Il ne faut pas croire que tous les ‘Sciences Po’ ne connaissent aucun problème tout au long de leurs parcours. A travers notre pôle carrière, nous mettons à leur disposition des ateliers, des webinaires, des tutorats et nous les accompagnons dans leurs demandes éventuelles de changements de voie », explique Pascal Perrineau. Xavier Pinon, qui préside le groupe Entreprendre, évoque l’organisation annuelle du « Demoday » dont le but est de mettre en relations de jeunes entrepreneurs issus de l’incubateur de l’école et des alumni « qui sont autant d’investisseurs potentiels. » Les responsables mettent aussi en avant leurs missions de solidarité. « Pendant la crise du Covid, nous avons fait du démarchage téléphonique pour sonder ceux qui avaient besoin d’aide et nous avons créé un fonds de solidarité », explique Pascal Perrineau. Les anciens sont également sollicités pour aider les étudiants, en mal de logements, à trouver une chambre ou un studio. Lô du Manoir de Juaye, étudiant en master de finance qui a monté son entreprise de conciergerie, a récemment pu bénéficier du réseau Sciences Po au moment des Jeux olympiques. « Certains voulaient en profiter pour louer leurs appartements. Le fait de passer par nous était rassurant. Quant à nous, cela nous a permis de lancer notre activité », explique le jeune homme. »L’association ne joue pas son rôle de contre-pouvoir »Mais, au fil des années, les jeunes diplômés en recherche d’emploi ont tendance à préférer se tourner vers les réseaux sociaux spécialisés. Plus rapide et plus simple que d’éplucher le fameux annuaire des anciens. « La plupart de mes camarades qui ont fait des stages à l’Assemblée nationale sont passés directement par LinkedIn ou par les réseaux du député avec qui ils cherchaient à entrer en contact », raconte cet élève inscrit en master d’administration publique. L’association Sciences Po Alumni n’est pas la seule à être touchée par ces changements de pratique. Aucune grande école n’y échappe. « Sans doute parce que les nouvelles générations revendiquent de moins en moins ce sentiment d’appartenir à une alma mater ». Elles sont dans une logique plus consumériste et individualiste », explique Pascal Perrineau. « Mais nous sommes également présents sur LinkedIn, X (ex-Twitter), Instagram ou Facebook que l’on utilise massivement pour notre communication et avec qui nous sommes complémentaires », ajoute Bernard El Ghoul, délégué général de l’association. « L’avantage de notre base de données : avec elle, vous avez la certitude que la personne avec qui vous êtes en contact est bien issue de Sciences Po. Car il arrive que certains mentent sur leurs diplômes », précise-t-il.Sciences Po Alumni gère aussi le magazine Emile, trimestriel tiré à plus de 10 000 exemplaires et distribué aux adhérents et relais d’opinion. Ainsi que la newsletter envoyée à 65 000 abonnés dans le monde. Toutes ces activités lui confèrent-elles un certain pouvoir d’influence ? « Non, pour beaucoup, c’est un peu similaire à un comité des fêtes », tacle un ancien diplômé pour qui sa vocation première devrait être de veiller à ce que la rue Saint-Guillaume reste une « école de formation des élites aux valeurs de la République ». « Ces valeurs fondamentales ne sont plus portées par l’école comme en témoignent les différentes crises par lesquelles elle est passée. L’association aurait dû jouer un rôle de contre-pouvoir en montant au créneau, ce qu’elle n’a jamais fait ! En cela, elle porte une responsabilité énorme », dénonce celui qui affirme recevoir de multiples témoignages d’indignation en ce sens à travers les boucles WhatsApp d’anciens dont il fait partie.Comme lui, ils sont nombreux à dénoncer le manque de pluralité chez les étudiants et alertent sur le sentiment de défiance grandissant des entreprises vis-à-vis de la majorité sensible aux valeurs anticapitalistes véhiculées par l’extrême gauche. Lors de l’élection présidentielle de 2022, 55 % d’entre eux avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon. Le 17 juin dernier, lors de la traditionnelle garden-party annuelle organisée par Sciences-Po Alumni sur le campus Saint-Thomas, un petit groupe d’étudiants se réclamant du Comité Palestine a accueilli les invités aux cris de « fascistes ». Munis de banderoles et de drapeaux, ils se sont emparés du micro pour s’indigner : « Vous buvez du champagne pendant que des enfants meurent à Gaza ». Et des tracts incriminant Coca-Cola, un des partenaires de la soirée annuelle, coupable d’entretenir des liens commerciaux en Israël, ont été distribués. « Vous imaginez l’effet désastreux que cela engendre ! Beaucoup d’adhérents se sont dit extrêmement choqués de voir ce que l’école devenait », commente Pascal Perrineau qui milite pour peser davantage au conseil d’administration de l’école. « Les élèves ont deux représentants contre un pour nous. Ce qui n’est absolument pas normal. Dans les universités américaines les anciens pèsent beaucoup plus », explique-t-il.Pourquoi ce manque de représentativité ? « La direction a suffisamment de communautés complexes à gérer en interne, entre sa propre administration, les enseignants permanents, les vacataires, les étudiants et leurs sensibilités diverses… Alors, s’il faut en plus rajouter les alumni ! D’autant que ce sont des gens qui ont souvent du poids et des responsabilités et dont ils craignent l’effet ‘poil à gratter' », répond le politologue qui ne cache pas son inquiétude à l’heure où « avoir fait Sciences-Po » n’est plus forcément un motif de fierté. En 2019, l’école lançait l’opération « Gardez votre place en Boutmy ». Le principe ? Permettre aux anciens d’apposer leur nom sur le dos d’un siège, au sein de l’emblématique amphi Boutmy qui a vu passer des centaines de promotions. Les tarifs varient en fonction de l’emplacement et du nombre d’années sur lequel ils s’engagent (compter 1 500 euros pour la catégorie « bronze » et 8 000 euros pour la « platine » pour dix ans). A ce jour, de nombreuses places restent vacantes.

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Author : Amandine Hirou

Publish date : 2024-09-18 08:00:00

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