Partir un jour, sans retour ou en se disant qu’on reviendra, c’est l’un de ces fantasmes convertis en réalité ou qui restent dans l’imaginaire. Il y a 3,5 millions de Français à l’étranger (OCDE et France Trésor, 2021) mais pas sous le même statut : s’expatrier, c’est être en mission pour une entreprise, ce qui est différent des aventuriers avec un contrat de travail local sans sécurité sociale, ni cotisations pour leur retraite. Si 34 % des Français pensent à faire une partie de leur carrière à l’étranger, ce chiffre atteint 41 % chez les moins de 24 ans (Ipsos pour Lepetitjournal.com, avril 2024). Surtout en Irlande et au Royaume-Uni qui comptaient respectivement 21 % et 19 % de jeunes expatriés français en 2015-2016 (OCDE/FT). »Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage »… 46 % des répondants rêvent d’une meilleure qualité de vie, 27 % d’une meilleure rémunération et 21 % d’opportunités professionnelles plus nombreuses, selon une étude de L’Observatoire de l’expatriation publiée en 2020. Les valises sont-elles prêtes ? « La Belgique, ce n’est pas le Togo, mais il faut toujours se préparer, il n’y a pas de petite expatriation », alerte Alix Carnot, directrice associée d’Expat Communication, service d’accompagnement et d’aide au changement pour les expatriés.La Chine a moins le vent en poupeLes destinations les plus attractives sont le Portugal, suivi par l’Espagne et la Roumanie selon l’indice Kayak.fr – qui révélait en 2022 les meilleurs pays où il est le plus facile de travailler tout en s’amusant pendant les heures creuses. Viennent ensuite l’Ile Maurice, le Japon, Malte, le Costa Rica, Panama, la République Tchèque et l’Allemagne en 10e position. L’analyse d’Alix Carnot diffère : les pays européens restent largement majoritaires avec l’Allemagne en tête, devant les Etats-Unis. L’expatriation suit la géopolitique. Récemment, le Mali et la Côte d’Ivoire se sont fermés. L’installation en Russie a quasiment disparu, celle vers la Chine a beaucoup diminué, alors qu’elle était la première destination il y a dix ans, devant l’Allemagne. « Le confinement a été très violent pendant le Covid », souligne Alix Carnot.Un glissement vers Hongkong, puis Singapour et enfin Dubaï qui tient la corde, comme les Emirats Arabes Unis et l’Arabie saoudite. « Les crises s’enchaînent. Il y a eu récemment des rapatriements d’Israël et du Liban », poursuit l’experte. L’influence française diminue aussi en Afrique, où ce sont les Russes, les Chinois et les Turcs qui affirment leur présence.De manière générale, « les expatriations des Français sont en baisse depuis 20 ans », pointe la directrice associée d’Expat Communication. Moins de compétences techniques françaises nécessaires, l’anglais parlé partout et un coût important pour l’entreprise (deux à trois fois celui d’un salarié en France selon mondassur.com) : les contrats d’expatriation ne concernent que 8 % de Français établis à l’étranger (Banque Transatlantique). Pour Expat Communication, le gros du bataillon est âgé de 35 à 55 ans – au-delà, les postes de direction sont assez rares. On compte 2,7 expatriations par expatrié sur une carrière, d’une moyenne de 3 à 5 ans.Le syndrome OSS 117Premier conseil aux cadres qui ont des envies d’ailleurs : il va falloir s’adapter : « tout le management doit être repris à l’aune interculturelle ». Les managers italiens sont ainsi connus pour leur pratique du micro-management. Potasser, s’imprégner. « Les Français sont réputés pour donner tout le temps leur avis. C’est mal élevé dans certaines cultures », avertit l’experte. Eviter les sorties à la OSS 117. « Nous ne sommes plus dans les années 2000. Le discours ‘La force de la France, c’est son histoire’, n’est plus audible », insiste Alix Carnot. Autre préconisation : savoir ce qu’attend l’entreprise. Quel est le rôle de l’expatrié ? En caméléon, l’expert technique s’adapte aux locaux, quand l’ambassadeur et le directeur représentent la marque et que l’international manage une équipe internationale avec le meilleur de chacun. Quatrième conseil : se préparer en famille et se pencher sur la question de l’école des enfants et de l’emploi de son ou de sa partenaire de vie (88 % sont des femmes). Il n’y a que 20 % d’expatriées, souvent célibataires.Enfin, attention à la déprime dépeinte par Joachim Du Bellay au XVIe siècle – « Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village/Fumer la cheminée, et en quelle saison ? » -, un retour réussi « à sa douceur angevine » ne s’improvise pas. Pour Alix Carnot, la stratégie de l’entreprise devrait être de « polliniser » à l’aller, bien sûr. Et au retour, capitaliser sur les acquis d’Ulysse.
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Author : Claire Padych
Publish date : 2024-09-17 11:30:00
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