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L’Express

Hongrie : l’étonnant plan de Viktor Orban pour s’implanter au Sahel

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Retrait des forces occidentales, renforcement de l’emprise de Moscou par les forces Wagner, et même expansion du conflit russo-ukrainien : le Sahel est depuis plusieurs années le terreau d’importantes luttes géopolitiques, qui se jouent en coulisses, de la lutte contre les groupes djihadistes aux coups d’Etats successifs. Mais un petit nouveau s’apprête désormais à complexifier encore l’équation. L’imprévisible Hongrie de Viktor Orban compte en effet envoyer prochainement 200 soldats au Tchad, une mission inédite pour le pays d’Europe centrale.Symbole de ce rapprochement, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno est arrivé ce week-end à Budapest et de nouveaux entretiens ont lieu ce lundi avec le Premier ministre hongrois. Selon ce dernier, « le Tchad est un pays clef dans la lutte contre l’immigration » comme contre le terrorisme et au cours de l’année écoulée, la Hongrie, membre de l’Otan, a nettement approfondi ses relations avec N’Djamena. Elle a ouvert un centre d’aide humanitaire et une représentation diplomatique, tout en signant des accords dans l’agriculture ou l’éducation. Elle a aussi prévu de déployer des troupes pour former les forces locales contre les djihadistes. »Mission test »Historiquement peu présent en Afrique, le pays a développé sous l’égide de Viktor Orban une diplomatie tous azimuts, se rapprochant de Moscou, Pékin ou encore de l’Asie centrale. Il lorgne également depuis des années sur le Sahel, où il veut jouer « un rôle militaire plus actif » pour gagner en expérience, explique à l’AFP Viktor Marsai, directeur de l’Institut de recherche sur la migration basé à Budapest.Depuis la fin de la mission de l’Otan en Afghanistan en 2021, « l’armée hongroise ne dispose plus de théâtre d’opérations où fourbir ses armes dans un environnement raisonnablement risqué », dit-il. La Hongrie voulait initialement rejoindre la task force Takuba menée par la France au Mali, mais ce groupement de forces spéciales européennes a fait long feu. Ses projets au Niger sont aussi tombés à l’eau après un coup d’Etat en juillet 2023.Jusqu’à l’annonce soudaine à l’automne dernier de cette mission au Tchad, qui a surpris les experts. Ce sera la première fois qu’elle « devra tout organiser seule », relève Viktor Marsai, évoquant un défi pour le pays de 9,6 millions d’habitants. « Ce sera un test pour voir si les forces hongroises sont à la hauteur ».Partenaire de l’UE… ou de Moscou ?D’autant que la France prévoit de réduire drastiquement sa présence en Afrique de l’Ouest et centrale après de cuisantes déconvenues. Le Tchad, Etat pauvre et enclavé de 18 millions d’habitants, est le dernier du Sahel à héberger ses soldats, alors que les forces françaises ont été chassées par les juntes arrivées au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger, au profit notamment du nouveau partenaire russe. Les derniers soldats américains ont également quitté Niamey en août dernier.Dans la région, plusieurs pays accueillent en revanche des forces paramilitaires issues de la réorganisation du groupe Wagner. Dans ce contexte géopolitique troublé, a émergé la crainte que Budapest agisse pour le compte de la Russie, alors que Viktor Orban a encore rencontré début juillet Vladimir Poutine, suscitant la colère de ses partenaires européens. Et la Hongrie a dû réfuter « représenter les intérêts de Moscou ou tout autre intérêt étranger », par la voix de son émissaire spécial au Sahel, Laszlo Mathé.Malgré ses désaccords avec Budapest, l’UE a « salué » ses nouvelles ambitions, car il est « important que davantage de partenaires internationaux travaillent avec le Tchad », a commenté auprès de l’AFP un porte-parole de la Commission européenne à Bruxelles.Le rôle opaque du fils de Viktor OrbanMais en Hongrie, les critiques fusent. D’abord sur le rôle joué par Gaspar Orban, 32 ans, unique fils du Premier ministre hongrois. Après une sommaire carrière de joueur de football dans le club fétiche de son père, celui-ci s’est finalement reconverti dans l’armée. Diplômé de l’Académie militaire britannique d’élite de Sandhurst en 2021 et promu capitaine dans l’armée hongroise, dans des circonstances qui ont largement interrogé dans le pays, cet ancien missionnaire en Afrique a discrètement participé aux négociations à N’Djamena, selon une enquête du journal Le Monde et du site d’investigation hongrois Direkt36, publiée début 2024.Des visites en catimini, seulement repérées par des captures d’écran de vidéos postées sur Facebook et d’autres réseaux sociaux, qui viennent alimenter les soupçons quant aux réelles intentions de Viktor Orban et de son fils dans la région.Face aux accusations de népotisme, le gouvernement a de son côté mis en avant « l’expertise et les connaissances linguistiques » d’Orban junior, désormais officiellement nommé « agent de liaison pour aider à préparer la mission au Tchad ». L’efficacité d’un tel projet interroge aussi, l’opposition dénonçant un inutile « gaspillage d’argent » et une « dangereuse » opération.Même au sein de l’armée, certains émettent des doutes. En réalité, « on ne sait pas ce qu’on va faire là-bas », confie un responsable militaire de haut rang à la retraite auprès de l’AFP, sous couvert d’anonymat. Et puis, comment 200 hommes pourront-ils faire la différence dans un pays aussi vaste, sachant qu’un tiers devra rester au camp de base, lance-t-il. De quoi faire penser que le projet de Viktor Orban n’est peut-être pas tant de durablement accompagner le Tchad que de montrer aux yeux du monde – et notamment de ses détracteurs – une posture de puissance internationale.

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Publish date : 2024-09-09 16:23:07

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