En jouant les prolongations sur la nomination du successeur de Gabriel Attal, Emmanuel Macron a fini par mettre des bâtons dans les roues de son Premier ministre de « coexistence », Michel Barnier. Avant même d’avoir nommé son gouvernement, le nouveau locataire de Matignon se retrouve déjà pris dans le casse-tête du budget 2025, contraint de se mettre en marche. D’autant qu’en matière de législation budgétaire, deux lois d’airain prévalent : le projet de loi de finances (PLF) nécessite a minima soixante-dix jours de débat et doit être promulgué au plus tard le dernier jour de l’année.Problème : l’exécutif accuse déjà un retard sur le calendrier officiel. Selon le site du ministère de l’Economie et des finances, le Conseil d’Etat aurait déjà dû être saisi pour avis sur les articles du PLF ainsi que les chiffres des estimations de recettes et de dépenses. Or, à ce jour, les magistrats du Palais Royal n’ont toujours pas vu l’ombre du budget. De même que la Commission européenne, qui devra encore attendre quelque temps avant que l’Hexagone ne lui transmette son plan de réduction du déficit public, attendu initialement pour le 20 septembre.De son côté, la commission des Finances du Sénat s’est également plainte de n’avoir reçu que tardivement le document dit « tiré à part », présentant les plafonds de crédits par ministère. Et pour cause, alors que la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit la transmission du texte le 15 juillet, celui-ci n’a été communiqué aux sénateurs que le 2 septembre, avec un retard de sept semaines…Octobre-décembre : examen du PLF par le ParlementAussitôt le gouvernement au complet, celui-ci devra accélérer la cadence pour tenter de rattraper le temps perdu. Car une fois le texte passé au peigne fin par les membres de la commission des Finances du Sénat et par les juges du Conseil d’Etat, c’est à la direction du Budget que revient le soin de confectionner le fameux « bleu » du PLF.Une référence à la couleur du dossier qui regroupe l’ensemble des documents que constitue le budget tels que les articles du PLF, ses annexes chiffrées mais également les évaluations préalables des articles. En somme, la copie finale du projet de loi de finances 2025, qui doit être présentée « avant le premier mardi d’octobre » devant le Conseil des ministres, précise la LOLF. « La condition d’un examen approfondi et sérieux du texte » par le Parlement, a insisté la commission des Finances du Sénat lors d’une conférence de presse, mercredi 4 septembre.Deux volets à examinerEt c’est au Palais Bourbon que démarre la navette parlementaire du PLF, qui doit être déposé à la chambre basse « au plus tard le premier mardi d’octobre », confirme Bercy. Le 1er octobre tombant un mardi, le prochain gouvernement devra donc, dans la foulée de la présentation en conseil des ministres, envoyer le budget 2025 au Conseil d’Etat. Date qui coïncide avec l’ouverture de la session parlementaire.Lors de cette étape, place à la première lecture du texte, qui se découpe en deux volets. Un premier, concernant les recettes prévues par le projet de loi. Un second, égrainant les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Une fois adopté par les députés, le texte file au Sénat, qui examine le texte en suivant les mêmes étapes que leurs homologues de la chambre basse.31 décembre 2024, la date butoirSi « la commission mixte paritaire (CMP), qui se réunit à la suite du vote du Sénat, ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun », le projet de loi fera l’objet d’une seconde lecture. Dans ce cas, le texte retravaillé par les sénateurs est examiné par les députés, avant de franchir à nouveau la porte du Palais du Luxembourg.La chambre basse ayant le dernier mot, le texte achèvera son itinéraire au Palais Bourbon pour une « lecture définitive », et devrait être adopté courant décembre. Une fois promulguée par le président de la République après son adoption par le Parlement, la loi de finances pour l’année 2025 doit être publiée au Journal officiel au plus tard le 31 décembre.Le spectre de la censureMais au vu du contexte politico-institutionnel inédit sous la Ve République, les chances pour que le délai ne soit pas tenu ont rarement été aussi élevées. En plus des retards déjà accumulés, le futur gouvernement devra faire face à un certain nombre d’obstacles. La censure tout d’abord.Car avec un hémicycle compartimenté en trois blocs de taille quasi égale, l’usage d’un 49.3 sur le budget – dont ne s’est pas privé Elisabeth Borne en 2022 et en 2023 – a de grandes chances de se traduire en censure si le Rassemblement national joint ses voix à celles du Nouveau Front populaire. La France se retrouverait sans exécutif, mais également sans budget. Et ainsi, sans autorisation de percevoir des impôts. »On l’a un peu oublié mais en 1789, on a fait la Révolution pour ça, rappelait le professeur de droit public à l’université Panthéon-Assas Martin Collet dans les colonnes de L’Express fin août. Le consentement à l’impôt est un élément essentiel de notre démocratie, consacré par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le gouvernement ne peut pas se passer ici de l’accord parlementaire. »Jouer la montre, l’ultime arme de la gaucheLa censure n’est pas le seul obstacle à la promulgation de la loi finances. Car en vertu de l’article 61 de la Constitution, 60 députés ou 60 sénateurs – de même que le président de la République, le Premier ministre, ou les présidents des deux chambres du Parlement – peuvent saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité du projet de loi de finances adopté à l’issue des débats.Les sages de la rue Cambon pourraient par exemple être saisis par les quelque 190 députés de la coalition de gauche, ou du moins par les 72 élus insoumis. Marginalisés par un RN érigé en faiseur de roi, ces derniers n’ont désormais qu’un seul objectif : rendre la vie impossible au gouvernement Barnier.
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Author : Ambre Xerri
Publish date : 2024-09-09 16:30:00
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