Il n’aura que très peu de répit. Alors que Gabriel Attal et son équipe démissionnaire expédiaient les affaires courantes depuis sept semaines, le nouveau locataire de Matignon, Michel Barnier, nommé par Emmanuel Macron ce jeudi 5 septembre, va devoir rapidement s’atteler aux nombreux dossiers qui patientent sur son bureau. L’un est particulièrement urgent : le budget. L’Express fait le point.Priorité au budgetMastodonte législatif, le budget de l’État 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard. Pour « assurer la continuité de l’État », le gouvernement démissionnaire a préparé une trame pour son successeur, en reportant exactement le même total de crédits qu’en 2024, soit 492 milliards d’euros, mais ventilés différemment.Des propositions que le futur exécutif pourra amender. Mais le temps presse : faute de gouvernement en fin de semaine prochaine, on « commencera à entrer dans la zone rouge », estime un connaisseur du dossier. Et mardi 3 septembre, l’alerte rouge a été lancée par Bercy sur l’état du déficit public, qui pourrait s’élever à 6,2 % en 2025 dans le pire des scénarios.L’hôpital maladeLa préparation du budget de la « Sécu », dont le déficit se creuse, a également pris du retard, alors que le secteur de la santé est en souffrance, entre un hôpital public sous-financé et une crise des urgences.Plusieurs chantiers, visant à résorber la désertification médicale, sont à l’arrêt, comme une réforme du métier d’infirmière, l’expérimentation de l’accès direct aux médecins spécialistes, ou des sanctions financières pour les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous. L’instauration d’une « aide à mourir », promesse de campagne d’Emmanuel Macron, est aujourd’hui en suspens, après avoir pourtant commencé son parcours à l’Assemblée. Il faudra donc tout reprendre à zéro, au grand dam des associations.L’outre-mer sur la tableLes indépendantistes de Nouvelle-Calédonie réclament toujours l’abrogation formelle de la réforme visant à dégeler le corps électoral local. Voté en mai, ce texte avait embrasé le « Caillou » : onze personnes ont été tuées et le tissu économique a été détruit. La dissolution de l’Assemblée nationale a entraîné la suspension du projet, mais également des discussions politiques pour sortir de l’impasse. En attendant, la crise économique et sociale s’aggrave. Le territoire est au bord de la faillite et en appelle à la solidarité nationale mais, sans gouvernement à Paris pour piloter les aides, il se sent abandonné.Quant à Mayotte, l’archipel de l’Océan indien attendait deux projets de loi préparés par l’exécutif sortant : l’un pour répondre aux crises sécuritaires, migratoire et sanitaire, l’autre pour supprimer le droit du sol. Or, il s’agit d’un principe fondamental ancien, maintes fois attaqué. Le Rassemblement national (RN) propose de restreindre le droit du sol afin que « seul un enfant né d’au moins un parent français ait accès automatiquement à la nationalité française ».Reprendre le dossier de l’agriculture »L’agriculture aujourd’hui a besoin d’autre chose que d’expédier les affaires courantes, elle a besoin de décisions », a résumé jeudi Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA, le principal syndicat agricole. « Le feu couve dans nos campagnes », avertit de son côté la Confédération paysanne. Après la grave crise de cet hiver, le gouvernement avait annoncé plus d’un milliard d’euros de mesures, allant des aides d’urgence aux prêts garantis. Mais plusieurs projets de loi censés répondre à la crise ont été suspendus par la dissolution.À court terme, les syndicats réclament des mesures d’urgence pour les céréaliers affectés par de faibles rendements, avec notamment l’octroi de prêts bonifiés (à taux préférentiels), et pour les éleveurs touchés par des maladies sanitaires, avec la gratuité des vaccins sur tout le territoire.Flou énergétiqueLa filière énergétique attend des arbitrages sur les investissements dans la production d’électricité, une question cruciale pour toute l’économie et surtout l’industrie. En 2025 et après, l’argent public ira-t-il à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ou aux énergies renouvelables ? C’est le grand flou, la révision de la Programmation énergétique de la France ayant pris un an de retard.La France a quand même envoyé à Bruxelles le 10 juillet – presque dans les temps – son Plan national énergie climat, qui était exigé avant fin juin. Mais un décret se fait toujours attendre pour mettre en œuvre la programmation pluriannuelle fixant pour 2035 les grands objectifs par type d’énergie et la Stratégie nationale bas carbone, feuille de route nationale pour lutter contre le changement climatique.Sébastien Treyer, le directeur exécutif de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), a estimé qu’une « première bonne décision serait d’annuler les baisses de crédits du Fonds vert et de l’Ademe, découvertes dans les derniers documents budgétaires du gouvernement démissionnaire ». « Nombre de dossiers urgents, comme le plan d’adaptation au changement climatique, la stratégie bas carbone ou encore les lois sur l’énergie et l’agriculture sont restés en plan depuis des mois », a-t-il déploré.Les salaires et l’assurance chômageLa dissolution a par ailleurs enrayé le processus de négociations entre partenaires sociaux par lequel le gouvernement voulait s’attaquer aux bas salaires et « désmicardiser » la France, ainsi que les sanctions qui auraient dû s’appliquer dès juin contre la douzaine de branches professionnelles ayant encore des minima conventionnels inférieurs au Smic.Autre projet suspendu, celui de durcir, dès décembre, les conditions d’accès et les règles d’indemnisation par l’assurance chômage. En attendant, les règles actuelles ont été prolongées jusqu’à fin octobre. Le flou prévaut également concernant les aides à l’apprentissage : les 6 000 euros par jeune en formation initiale seront-ils maintenus ?
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Publish date : 2024-09-05 15:38:20
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