L’Express

Sahara occidental : après le soutien de Macron au Maroc, la presse algérienne en ébullition

Des personnes célèbrent le 50e anniversaire du Front Polisario et le déclenchement de la lutte armée pour l'indépendance du Sahara occidental à Aousserd à Tindouf au sud-ouest d'Alger, Algérie, le 20 mai 2023.




C’est une décision qui risque d’avoir d’importantes conséquences sur l’avenir de la politique étrangère française dans le Maghreb et en Afrique de l’Ouest. En actant son soutien au plan marocain pour le Sahara occidental, Emmanuel Macron ne pouvait l’ignorer : la décision allait immédiatement brusquer du côté de l’Algérie, soutien historique du Front Polisario et aux relations glaciales avec le Maroc. Cela n’a pas manqué : Alger a aussitôt annoncé le « retrait avec effet immédiat » de son ambassadeur en France, et annoncé d’autres mesures. Le chef de la diplomatie algérienne a dénoncé une décision qui « défend la légitimité de l’ordre colonial » et « ne sert pas le règlement pacifique de la question du Sahara occidental ».Dans la presse algérienne, à la liberté d’expression largement entravée, les différents articles et billets depuis ce mardi témoignent de la très grande animosité envers cette décision française. Le journal d’Etat Horizons reflète de cette vision au sommet de l’Etat algérien, expliquant que « c’est désormais à la République française d’assumer sa responsabilité historique et devant l’humanité. En soutenant l’action coloniale, la France a non seulement bafoué le droit international, mais surtout a failli dans sa mission au sein du Conseil de sécurité ».Mais même du côté de la presse plus indépendante, sérieusement tancée par le pouvoir, le discours se veut également assez critique. « La France s’aligne sur les thèses colonialistes du Maroc », titre le journal El Watan, l’un des principaux quotidiens algériens. TSA (Tout sur l’Algérie), journal en ligne indépendant, bloqué à plusieurs reprises durant les importantes manifestations comme en 2019, titrait de son côté sur les « prémices d’une nouvelle brouille diplomatique » entre les deux pays. Qualifiant cette décision de « prévisible », notamment au vu des déclarations récentes du chef de la diplomatie française Stéphane Séjourné ouvrant ce chemin, le timing et la forme interroge TSA. « En choisissant de communiquer sa décision par voie diplomatique, sans tapage médiatique, dans un contexte de bouleversements géopolitiques, comme en témoigne l’impuissance de l’ONU face à la situation à Gaza, où les yeux du monde entier sont braqués sur les Jeux olympiques 2024, Paris entend visiblement mettre Alger devant le fait accompli. Ce qui explique peut-être l’’étonnement’de l’Algérie qui qualifie la décision d’’inattendue' ». »Macron piège les relations algéro-françaises »La presse algérienne s’interroge notamment sur les causes ayant poussé à ce grand pas en avant fait par Paris. Pour El Watan, entre la France et le Maroc, « la tendance est au rabibochage et aux enjeux stratégiques ou tactiques remodelés, pas suffisamment clairs pour l’heure. De quoi pousser le président français à satisfaire explicitement des attentes pressantes du Maroc sur la question du Sahara occidental ». »Macron piège les relations algéro-françaises », titre de son côté le quotidien El Khabar. Pour le journal arabe, l’un des plus lus dans le pays, cela démontre « une volonté française de promouvoir ses intérêts au Maroc, d’obtenir une part du butin des terres désertiques et d’ainsi compenser les pertes subies au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Mais aussi de chercher à restaurer le rôle que Paris a longtemps joué en faveur de la monarchie, c’est-à-dire l’exercice de la tutelle et de la protection à l’horizon de la transition du pouvoir au prince héritier de son père fatigué ». Pour Emmanuel Macron, ce calcul assumé impliquerait le fait « de geler les relations bilatérales entre les deux jusqu’à la fin de son mandat (plus de trois ans) », estiment-ils, affirmant qu’il n’était désormais pas impossible que « tous les chantiers lancés entre les deux pays au cours de son premier mandat s’effondrent, y compris les projets mémoriels ». »L’amour du règlement de comptes avec l’Algérie »Mais certains vont même plus loin. Echorouk, le quotidien le plus vendu en Algérie, n’hésite pas à associer cette décision à la longue histoire post-coloniale entre les deux pays. « La France, dit-on, a oublié toutes ses rancunes avec tous les pays contre lesquels elle a eu des guerres, des querelles et des contentieux. Elle a oublié la guerre de Cent Ans avec l’Angleterre, elle a oublié sa guerre avec l’Allemagne. Elle serait prête à oublier ses guerres avec le diable s’il lui faisait la guerre. Mais elle n’est pas près d’oublier son humiliante défaite en Algérie. Aujourd’hui encore, et peut-être pour toujours, la France ressent l’amertume de cette défaite, qu’elle n’a pu digérer », cingle-t-il.Toujours selon le journal Echorouk, cette décision de soutenir le projet marocain au Sahara occidental serait donc principalement motivée par une raison : faire payer l’Algérie. « En 1975, lorsque le Maroc s’est mobilisé en faveur de l’invasion du Sahara occidental, la France s’est trouvée face à deux choix. La première était la voie logiquement correcte ; à savoir que la France, en vertu de son passé colonial en Afrique du Nord-Ouest, de ses relations solides avec les pays de la région et de sa présence au Conseil de sécurité de l’ONU, et afin de créer de nouvelles relations dans la région, devait défendre le droit international. La deuxième voie, tortueuse et extralégale, consistait à reconnaître l’accord de Madrid pour la partition du Sahara occidental, dans le but de se venger de l’Algérie. Entre le choix de la première voie, correcte et légale, et la seconde voie pavée de rancunes, d’erreurs de calcul, d’étroitesse d’esprit, de cupidité et d’amour du règlement de comptes avec l’Algérie, la France a choisi, les yeux bandés, de suivre la seconde voie ».Pour le journal TSA, plus tempéré, cette décision était tout simplement la solution la plus simple pour améliorer les relations avec le Maroc, largement détériorées ces dernières années. « Rien de mieux pour Paris pour regagner la confiance d’un pays qui lui reproche son tropisme algérien depuis l’arrivée du président Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 que de l’assurer de son soutien dans son approche de la question sahraouie. C’est dire le forcing opéré à Paris, depuis quelques mois, appuyé par un lobby pro-marocain assez puissant pour faire pencher la relation en faveur de Rabat et au détriment d’Alger ». Une chose est certaine : les relations entre la France et l’Algérie ne devraient pas s’embellir dans un futur proche.



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Publish date : 2024-07-31 18:02:33

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