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L’Express

Les confessions d’une repentie de la naturopathie : « J’ai conseillé des pratiques erronées et coûteuses »




Il y a rarement plus féroce critique que les amoureux déçus. Sohan Tricoire s’est fait connaître grâce à sa chaîne YouTube, où elle décrypte les grands principes de la naturopathie, pour mieux en dénoncer les dérives. Si la jeune femme connaît si bien les rouages de cette pseudo-médecine, c’est qu’elle s’est laissé happer par ces croyances au point de devenir elle-même naturopathe, avant de prendre conscience que cette pratique était totalement inepte. Une période de questionnement professionnel, le mépris voire l’hostilité du corps médical face à certains de ses choix (véganisme, stérilisation…), un intérêt prononcé pour l’écologie et tout ce qui relève du « naturel » : « A un moment donné de mon parcours, toutes les conditions se sont trouvées réunies pour que j’adhère à ces préceptes », explique la trentenaire.Le déclic a pris la forme d’une vidéo de la naturopathe controversée Irène Grosjean, dont les conseils nauséabonds (des attouchements sexuels pour faire tomber la fièvre chez les bébés) ont depuis fait polémique. « C’est un collègue crudivore qui me l’avait conseillée. Elle parlait d’hygiène de vie, prenait une posture de soignant tout en tenant un discours très positif et bienveillant sur l’alimentation végétale », raconte Sohan, qui n’avait alors pas « les outils pour comprendre que cette femme n’était en rien une professionnelle de santé ». Celle qui alternait les petits boulots administratifs pense avoir trouvé une voie de reconversion vers un métier à la fois « riche de sens » et un peu « alternatif, hors du système ».Elle s’inscrit dans la « meilleure » école de naturopathie, pour une formation d’une année. « Je me suis vite laissé convaincre. Pas par des arguments rationnels, évidemment, mais par l’effet de groupe, par le fait que ce qu’on nous présentait paraissait marcher, que l’on ressentait des choses très fortes. A l’époque je ne savais rien de l’effet placebo, du pouvoir de la suggestion, de l’effet contextuel », se souvient Sohan Tricoire. Le prix de la formation, 12 000 euros, a sans doute aussi joué, reconnaît-elle a posteriori : « De manière inconsciente, on veut qu’un tel investissement se justifie. » Au programme : iridologie (diagnostic par l’analyse de l’iris des yeux), fleurs de Bach, réflexologie plantaire, détox, purges, morphopsychologie (détermination des traits de caractère à partir de l’apparence physique), soins par les eaux, nutrition, compléments alimentaires, phytothérapie, cures de revitalisation… »J’ai voulu faire le tri, mais il n’est vite plus resté grand-chose »Toutes ces « connaissances » emmagasinées, la jeune femme s’installe à son compte, dans la région toulousaine. Seule, avec peu de clients au départ, elle a du temps pour prendre « un peu de recul ». Elle commence par découvrir d’autres pratiques farfelues, comme les analyses d’intolérances alimentaires. « Le laboratoire de biologie médicale à côté de chez moi les pratiquait. Des professionnels de santé ! Cela légitimait totalement ma pratique », déplore-t-elle rétrospectivement. Pourtant, peu à peu, le doute s’insinue. Au départ de façon paradoxale. « Je trouvais l’effet des fleurs de Bach tellement puissant qu’à un moment je n’avais même plus besoin des élixirs, il me suffisait d’y penser pour que je le ressente. J’ai commencé à me dire que cela ne servait à rien », sourit-elle aujourd’hui.Puis elle découvre les contenus liés à la zététique (NDLR : l’art du doute) et à l’esprit critique sur YouTube. « D’abord, j’ai voulu « sauver la naturopathie », en faisant du tri et en éliminant ce qui n’était pas fondé sur des preuves scientifiques. Mais il n’est vite plus resté grand-chose », soupire Sohan. Les discours antivax de ses « confrères » naturopathes pendant la crise sanitaire achèvent de la détourner de ces pratiques.Depuis, elle a passé un BTS de diététique et a suivi des cours « basés sur la science » sur le végétalisme, pour accompagner à distance des personnes souhaitant se tourner vers cette alimentation. « Mon plus grand regret par rapport à la naturopathie, c’est d’avoir prescrit à mes patients d’alors ces fameux tests d’intolérance très coûteux, de les avoir poussés à adopter des régimes très restrictifs, en diabolisant le gluten, les produits laitiers et les produits cuits à très haute température, ou encore en les incitant à dissocier les aliments en fonction des repas, car tout cela peut faire le lit de troubles alimentaires », soupire-t-elle. Des erreurs qu’elle tente depuis de corriger, avec ses vidéos et ses publications sur Internet.



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Author : Stéphanie Benz

Publish date : 2024-07-14 11:45:00

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