L’Express

Nicolas de Warren (Uniden) : « Si le RN supprimait la compensation carbone, ce serait catastrophique »

En six ou sept passages sous les rouleaux et les jets d'eau, la barre de métal en fusion de 25 centimètres d'épaisseur s'aplatit et s'allonge en un long et fin ruban d'acier qui servira à fabriquer la torche olympique, dans le laminoir d'ArcelorMittal à Florange, le 4 avril 2024 




Pour financer son programme, le RN a déjà annoncé une diminution de la contribution au budget européen et une taxation du transport maritime. Mais il pourrait également supprimer la compensation carbone, un mécanisme destiné à aider les entreprises consommant beaucoup d’énergie, mis en place depuis 2016. Favorable à cette suppression, Jean-Philippe Tanguy, chargé du programme économique du Rassemblement National, estime qu’elle rapporterait 1 milliard d’euros par an. Pour Nicolas de Warren, président de l’Union des entreprises utilisatrices d’énergie (Uniden), cette mesure serait « catastrophique ». Elle mettrait à mal la compétitivité de plusieurs dizaines de sites industriels en France, avec des conséquences en cascade sur les investissements et l’emploi.L’Express : Peu de gens connaissent ce dispositif de compensation carbone. Pourquoi est-il si important ?Nicolas de Warren : Parce qu’il soutient la compétitivité de nos sites industriels dans un environnement difficile. Les « électro-intensifs » (NDLR : les sociétés qui utilisent beaucoup d’énergie comme les producteurs d’acier) font face à une concurrence internationale très forte. Contrairement aux industriels situés hors d’Europe, ils sont soumis au marché des quotas de CO2, un mécanisme visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces quotas représentent un double coût pour les entreprises car ils augmentent aussi le prix de l’électricité sur les marchés. Cet effet a été mesuré par RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, dans une étude parue en 2020.Ce contexte favorise la délocalisation de la production vers d’autres régions du monde où l’électricité servant à produire des biens peut être fortement carbonée. En réponse à ce risque, le législateur européen a autorisé les Etats membres, qui perçoivent les recettes de la mise aux enchères des quotas de CO2, à compenser une partie de ces surcoûts. En France, 300 sites industriels en bénéficient pour un montant proche d’un milliard d’euros par an. C’est un élément important de la compétitivité car cette aide permet aux acteurs qui en bénéficient de minorer le prix de l’électricité de 3 à 15 euros par mégawattheure.Quel serait le coût d’une suppression de cette aide sur l’économie ?Nous l’évaluons à 5 milliards d’euros par an. En 2022, la valeur ajoutée de l’industrie représentait 313 milliards d’euros. Sur ce montant, les « électro-intensifs » pèsent environ 48 milliards. Si l’on considère que la mesure ampute le secteur de 10 % de sa valeur ajoutée – une hypothèse conservatrice -, nous arrivons à un impact de 5 milliards. Il faut être clair : si l’aluminium de Dunkerque ne peut plus compter sur la compensation carbone, les sites de production fermeront. Et c’est la même chose pour l’industrie chimique.Le RN veut changer les règles de formation des prix de l’électricité. Cela pourrait-il atténuer la perte de la compensation carbone ?Dans les déclarations qui ont été faites, il est question d’un prix de l’électricité français. Dans cette hypothèse, on sortirait du marché européen de l’électricité et on reviendrait à un tarif publié par arrêté ministériel tous les trimestres, comme pour les particuliers avec le fameux tarif régulé de vente. Mais c’est un véritable saut quantique et un retour sur 20 ans de construction du marché européen. Au-delà des oppositions que cette décision générerait, on peut se demander comment la France ferait pour être, à la fois, en dehors et à l’intérieur du marché puisqu’elle continuerait à exporter son électricité. Ce serait une situation ingérable. Par ailleurs, il ne faut pas oublier les bénéfices de ce qui a été construit ces dernières décennies : quand il y a en Europe une abondance d’électricité – et c’est souvent le cas -, on peut avoir des prix extrêmement bas ou même négatifs sur le marché de gros, ce qui se répercute ensuite sur le marché de détail.Dès lors, comment expliquer que les entreprises européennes souffrent d’un prix de l’électricité relativement élevé ?Le coût de revient du parc nucléaire aujourd’hui ne suffit plus à nous rendre compétitif face à la concurrence des Norvégiens, des Québécois, des Chinois ou des Américains. Le prix du combustible augmente, les mises aux normes post-Fukushima ont généré des coûts. Parallèlement, le parc vieillit. Il faut donc procéder à ce que l’on appelle des grands carénages. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime que le coût de production du parc français se situe à 60 euros le mégawattheure. Il était aux environs de 40 euros quand l’Arenh a été établi en 2013. Même si on nous donnait accès à ce tarif, nos concurrents garderaient l’avantage puisqu’ils profitent d’un coût compris entre 35 et 52 euros. En l’état actuel des choses, c’est la compensation carbone qui permet de combler cet écart. En attendant éventuellement des contrats de long terme compétitifs avec EDF. Mais pour l’instant, nous sommes loin d’avoir un accord sur ce sujet.Qu’est-ce qui bloque ?Les négociations tournent autour du prix. Il y a également le sujet de la participation des entreprises au financement du futur nucléaire. Là-dessus, nous disons : chaque chose en son temps. Occupons-nous d’abord de faire en sorte que les usines actuelles ne ferment pas, en mettant en place des contrats à long terme. La situation devient urgente : il faut que les financements soient en place pour l’automne 2025 si on veut démarrer les livraisons d’électricité début 2026, car il ne sera pas question de prolonger l’Arenh. C’est écrit dans la loi et la CRE ne l’autorisera pas.



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Author : Sébastien Julian

Publish date : 2024-06-28 07:30:00

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