L’Express

Guerre en Ukraine : frapper le territoire russe avec des armes occidentales, bientôt la fin d’un tabou ?

Kharkiv, Ukraine le 23 mai 2024




A Kharkiv, à une trentaine de kilomètres de la frontière russe, les bombardements sont quasi-quotidiens. Depuis le lancement par Moscou d’une nouvelle offensive dans le nord de l’Ukraine le 10 mai, cette métropole, deuxième plus grande ville d’Ukraine et capitale de la région du même nom, est redevenue une cible privilégiée de l’armée russe, alourdissant jour après jour le décompte macabre des victimes civiles. Le 23 mai, au moins sept personnes sont mortes et seize blessées dans une frappe contre une imprimerie. »Les terroristes russes profitent du fait que l’Ukraine ne dispose pas d’une protection suffisante en matière de défense aérienne ainsi que de notre manque de capacités fiables pour détruire leurs lanceurs qui se trouvent à proximité de nos frontières », a dénoncé le même jour Volodymyr Zelensky, demandant « plus de détermination » de la part de ses alliés.Entre autres, dans le viseur du président ukrainien, la règle qui interdit à son armée d’utiliser du matériel militaire occidental pour frapper des cibles situées en Russie. Derrière cette prudence, à l’œuvre depuis le début du conflit, la crainte « du risque d’escalade » avec Moscou, soutient une source diplomatique française. Problème : là où la Russie ne souffre d’aucune limitation vis-à-vis du matériel qu’elle reçoit de la Corée du Nord ou de l’Iran, cette approche conduit l’Ukraine à se battre avec une main dans le dos. « Les avions russes attaquent notre territoire avec des bombes planantes larguées depuis la Russie et nous n’avons que peu de moyens pour répliquer, pointe Mykhailo Gonchar, président de l’institut ukrainien Centre for Global Studies Strategy XXI. C’est pourquoi nous demandons la permission d’utiliser des missiles occidentaux pour attaquer les aérodromes russes à proximité de nos frontières et repousser les avions ennemis. » »Nous avons fait l’erreur de limiter les Ukrainiens »Faute de mieux, les forces ukrainiennes ont jusqu’à présent dû limiter leurs moyens de frappe dans la profondeur russe à des drones de leur fabrication. « Elles ont bricolé plusieurs types d’aéronefs, mais ce n’est ni la précision ni l’efficacité de l’armement occidental, résume le général Nicolas Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée. Indirectement, cela permet aux Russes de masser des troupes à proximité des frontières ukrainiennes sans être réellement menacés. »L’ouverture récente d’un nouveau front dans le Nord n’a fait qu’amplifier les difficultés de Kiev. Et dans la foulée, les critiques contre cette restriction imposée à son armée. « Dès le début, nous avons fait l’erreur de limiter les Ukrainiens parce que cela pourrait être considéré comme une escalade, a déploré le 20 mai sur LCI le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis. Un seul camp a des règles imposées. Nous devons abandonner ces règles que nous avons créées. » La veille, le président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, Jean-Louis Bourlanges, avait affirmé que le territoire russe ne devait plus être « sanctuarisé ».A ce stade, seul le Royaume-Uni a officiellement sauté le pas, s’attirant trois jours plus tard les foudres de Moscou. « Toutes les installations et tous les équipements militaires britanniques sur le territoire de l’Ukraine et à l’étranger » pourraient être pris pour cible, a mis en garde le ministère russe des Affaires étrangères, le 6 mai. En dépit de cette première initiative britannique, c’est surtout un revirement de Washington – de loin le premier fournisseur d’armement à l’Ukraine – que l’on espère à Kiev. Si, lors de son voyage en Ukraine début mai, le secrétaire d’Etat Antony Blinken avait semblé amorcer une évolution de la posture américaine en affirmant qu’il revenait à Kiev « de prendre ses décisions sur la manière dont elle mène cette guerre », le département d’Etat avait nuancé ses propos dès le lendemain et rappelé ne pas « encourager ni permettre les frappes sur le territoire russe ».Le combat aux frontières, un handicap pour l’UkraineLa pression continue néanmoins à croître outre-Atlantique. Le 20 mai, un groupe bipartisan de parlementaires américains a envoyé une lettre au secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, lui demandant d’autoriser « sous certaines circonstances » l’emploi d’armes américaines contre « des cibles stratégiques à l’intérieur du territoire russe ». La veille, l’ancienne secrétaire d’État adjointe par intérim Victoria Nuland avait également plaidé pour une révision de la posture américaine lors d’une interview sur la chaîne ABC. Malgré ces multiples demandes, Kiev reste dans l’expectative. « Jusqu’à présent, il n’y a rien de positif », a indiqué Volodymyr Zelensky le 21 mai dans une interview à Reuters, tout en confirmant que des négociations avaient été engagées sur la question avec ses partenaires internationaux.Ont-elles une chance d’aboutir ? « Au fil du conflit, plusieurs tabous ont fini par sauter, dont celui sur la livraison de chars lourds puis d’avions de combat, rappelle Thibault Fouillet, directeur scientifique de l’Institut d’études de stratégie et de défense. A terme, on ne peut pas exclure qu’il en soit de même pour cette règle. » En attendant, l’armée russe continue d’abattre ses cartes. Comme elle l’avait fait avant d’ouvrir un front dans la région de Kharkiv, celle-ci aurait commencé à amasser des troupes à proximité de la région frontalière de Soumy, dans le nord de l’Ukraine, a mis en garde mi-mai le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov. « Les Russes ont compris que le combat aux frontières handicape leur adversaire, donc ils veulent exploiter le créneau », pointe le général Richoux. Pour les forces ukrainiennes, le temps presse.



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Author : Paul Véronique

Publish date : 2024-05-25 09:00:00

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