L’Express

Européennes : pourquoi le scrutin se déroule sur quatre jours

Des Irlandais votent pour les élections européennes et locales à Dublin, le 24 mai 2019




Pour Clément, Bourguignon de 25 ans, jour de scrutin rime avec rituel. Famille et proches se retrouvent, partagent un repas, discutent politique, élections, s’invectivent parfois. Après un trou normand, un second plat et un dessert, la marche digestive jusqu’au bureau de vote est prétexte à la poursuite des débats. Droite, gauche ou blanc, une fois le bulletin glissé dans l’urne, la troupe rentre à la maison, finit la journée avec une partie de jeu. Comme un dimanche.Un cérémonial qui n’aurait certainement pas vu le jour si Clément était né aux Pays-Bas. Et pour cause, les Néerlandais, comme d’autres de nos voisins européens, ne sont pas appelés aux urnes le dimanche mais en pleine semaine. Un calendrier qui pourrait en surprendre plus d’un sur le Vieux Continent, où la majorité des pays ont opté pour le vote dominical, tels le Portugal, l’Espagne, la Belgique, Luxembourg, l’Allemagne, l’Autriche, ou la Hongrie.Respecter les traditions démocratiques nationalesForce est toutefois de constater que derrière cette apparente unité, les particularismes politiques persistent, et sont d’autant plus visibles à l’horizon du scrutin européen qui s’étire sur quatre jours – du 6 au 9 juin cette année. Un parti pris dès 1979, année du premier scrutin européen au suffrage universel direct qui s’est tenu du 7 au 10 juin « afin de respecter les cultures démocratiques et politiques des Etats membres », décrypte Alberto Alemanno, juriste spécialiste de la politique européenne et professeur à HEC. « Voter en France est une expérience très différente de celle de voter en Grèce par exemple : chaque pays a ses propres traditions politiques, culturelles et administratives, ce qui explique que les habitudes de vote puissent être différentes. »Ainsi, à l’instar du pays des tulipes, l’Irlande vote en semaine, le plus souvent le vendredi. Le dernier scrutin en date – un référendum visant à moderniser les références aux femmes et à la famille dans la Constitution – a par exemple eu lieu le vendredi 8 mars. Pour les élections européennes, le Tigre celtique ne compte pas déroger à la règle, puisque les Irlandais sont appelés à se rendre aux urnes, non pas le dimanche 9 juin, mais le vendredi 7 juin.La République tchèque fait également partie des « non-alignés ». Avec une petite spécificité en plus : qu’il soit présidentiel, législatif ou européen, le scrutin s’étend systématiquement sur deux jours. En général, le vendredi de 14 heures à 22 heures, et le samedi de 8 heures à 14 heures. Le principe est similaire en Italie où les électeurs disposent d’un jour et demi pour voter. Ainsi, comme pour les élections législatives ou les référendums, nos voisins transalpins pourront choisir entre le samedi 8 et le dimanche 9 juin pour aller glisser un bulletin dans l’urne.Le vote sur deux jours, un outil contre l’abstention ?Allonger le vote sur plusieurs jours ? Une tradition qui survit malgré « son coût très élevé », explique Alberto Alemanno : « En maintenant le scrutin sur deux jours, les Etats espèrent obtenir un taux de participation plus élevé. » En regardant de plus près, deux phénomènes s’observent : les Etats membres qui étendent le scrutin sur deux jours sont tout à la fois les pays où la participation est la plus élevée – Malte, par exemple, où près des trois quarts du corps électoral se sont déplacés en 2019 – et ceux où elle est la plus faible, comme la Slovaquie, où la participation atteignait à peine 23 % en 2019.Cette option peut donc être présentée à la fois comme une origine de la vitalité démocratique et comme un outil de lutte contre l’abstention. Pour Alberto Alemanno, la France, qui observe un fort tôt d’abstention depuis plusieurs années, gagnerait à prolonger d’une demi-journée ou d’un jour l’ouverture des bureaux de vote. « Il y a toute une littérature qui démontre qu’en donnant plus d’options aux citoyens, les pays parviennent à avoir un taux de participation plus élevé », martèle-t-il avant d’ajouter : « Le bouche-à-oreille est par exemple beaucoup plus efficace lorsque le scrutin se tient sur deux jours. »Une harmonisation « minimale »Si l’UE a décidé de laisser la main libre aux Etats membres sur le jour du scrutin, ceux-ci sont toutefois tenus par une série d’obligations définies dans l’Acte portant l’élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct. Dans son article 10, le texte contraint par exemple les Etats à organiser les élections européennes entre le jeudi et le dimanche. Raison pour laquelle les Pays-Bas, dont les électeurs votent en temps normal les mercredis, décalent au jeudi la tenue du scrutin. L’Italie aussi a été contrainte de s’adapter, en organisant l’élection sur le week-end plutôt que le dimanche et le lundi, comme le veut la tradition.En outre, quel que soit le jour choisi par les Etats, tous ont l’obligation d’attendre que l’ensemble des membres aient voté avant de rendre publique le verdict du scrutin.Vers une date unique ?Ces dernières années, plusieurs voix se sont élevées en faveur d’une révision du règlement électoral européen, qui soufflera en 2026 sa cinquantième bougie. « Il est grand temps d’introduire des changements cette année, sinon le système sera le même en 2024 », avait alors plaidé Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne en 2022. Au printemps de la même année, le député européen espagnol Domènec Ruiz Devesa a jeté un pavé dans la mare. Au travers d’un texte qui propose une harmonisation des élections européennes, l’élu a promis de « résoudre le problème de 27 élections parallèles ».Parmi les mesures défendues par le rapporteur, l’instauration de la parité femmes/hommes dans les listes, l’abaissement de l’âge de vote limite à 16 ans, la reconnaissance du vote par correspondance, mais également l’utilisation du 9 mai, journée de l’Europe, comme date unique et commune des élections européennes. Une initiative qui a séduit une majorité de parlementaires européens : 323 d’entre eux ont adopté la réforme, qui n’est toutefois jamais entrée en vigueur. Alberto Alemanno semble en connaître la raison : « Les Etats membres s’y sont opposés, et n’ont jamais ratifié le texte parce qu’ils craignaient que les européennes ne fassent trop d’ombre à leur classe politique nationale. »



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Author : Ambre Xerri

Publish date : 2024-05-19 09:30:00

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