L’Express

Après Poutine, le chaos ? Les cinq avenirs possibles pour la Russie, par Stephen Kotkin

Vladimir Poutine.




Vladimir Poutine a fêté ses 71 ans le 7 octobre dernier, jour où le Hamas a attaqué Israël. Le président russe a pris ce massacre comme un cadeau d’anniversaire qui change la donne pour son agression en Ukraine. Quelques semaines plus tard, il annonçait son intention de briguer un cinquième mandat lors d’une élection sans vrai choix. Le 16 février, on apprenait la mort soudaine d’Alexeï Navalny, âgé de 47 ans, dans une colonie pénitentiaire située au-dessus du cercle arctique, d’où le leader de l’opposition continuait à envoyer à ses millions de soutiens des instructions sur la façon de protester contre un plébiscite annoncé. Un mois plus tard, le Kremlin a au moins pris la peine d’attendre un simulacre de vote pour annoncer la victoire de Poutine. Le voici désormais installé dans ses fonctions jusqu’en 2030, date à laquelle il aura 78 ans. En Russie, l’espérance de vie des hommes ne dépasse pas les 67 ans ; ceux qui vivent jusqu’à 60 ans peuvent espérer survivre jusqu’à 80 ans environ. Les centenaires sont rares en Russie. Se présentant en nouveau tsar, Poutine pourrait un jour rejoindre leurs rangs. Mais même Staline a fini par mourir.Le prédécesseur de Poutine, Boris Eltsine, s’est avéré être un des rares tsars en puissance qui a nommé un successeur et lui a facilité l’accès au pouvoir. En 1999, Eltsine, confronté à des problèmes de santé chroniques et craignant que lui et sa « famille » de copains corrompus soient emprisonnés après sa démission, a choisi Poutine pour préserver sa liberté et son héritage. En 2007, il est mort en homme libre. Mais le protecteur n’a pas suivi l’exemple de son patron. En 2008, Poutine s’est brièvement retiré de la présidence, du fait de la limite de deux mandats consécutifs. Il a nommé à sa place Dmitri Medvedev qui ne représentait rien politiquement, s’est muté lui-même au poste de Premier ministre et est revenu pour un troisième mandat présidentiel en 2012, puis un quatrième. Enfin, il a incité son pseudo-corps législatif à modifier la Constitution pour supprimer effectivement toute limitation de mandat. Staline, lui aussi, s’est obstinément accroché au pouvoir, alors même que ses problèmes de santé s’aggravaient. Il a refusé d’envisager l’émergence d’un successeur ; finalement, il a subi une ultime attaque et est tombé dans sa propre urine.Bien sûr, Poutine n’est pas Staline, mais le parallèle est néanmoins instructif. Le système de Staline s’est avéré incapable de survivre sans lui, malgré l’existence d’un parti au pouvoir institutionnalisé. Quels que soient le moment et la manière dont Poutine partira, son autocratie personnalisée et, plus largement, la Russie, sont d’ores et déjà confrontées à des questions importantes sur leur avenir.Le régime de Poutine s’apparente à un brise-glace, réduisant en miettes l’ordre international dirigé par les Etats-Unis. Washington et ses alliés se sont laissés surprendre par lui à maintes reprises – en Libye, en Syrie, en Ukraine et en Afrique. Cela suscite des craintes quant à la prochaine mauvaise surprise. Mais qu’en est-il à long terme ? Comment, à la lumière de l’inéluctable mortalité des dirigeants et de facteurs structurels plus importants, la Russie pourrait-elle évoluer au cours de la prochaine décennie et peut-être au-delà ?Les responsables occidentaux et les autres dirigeants doivent envisager une série de scénarios. Il va sans dire que le monde surprend constamment, et que quelque chose d’impossible à prévoir peut se produire : le célèbre cygne noir. L’humilité est donc de mise. Néanmoins, cinq futurs possibles pour la Russie sont actuellement imaginables, et les Occidentaux devraient les garder à l’esprit, afin de s’y préparer.La Russie s’inspire de la FranceLa France est un pays aux traditions bureaucratiques et monarchiques profondément ancrées, mais aussi à la tradition révolutionnaire périlleuse. Les révolutionnaires ont aboli la monarchie pour la voir revenir sous la forme d’un empereur et de rois, puis disparaître à nouveau, au gré des républiques. La France a construit et perdu un vaste empire colonial. Pendant des siècles, les dirigeants français, à commencer par Napoléon, ont menacé les pays voisins.Aujourd’hui, ces traditions se perpétuent de bien des manières. Comme l’a observé avec perspicacité Alexis de Tocqueville dans L’Ancien Régime et la Révolution (1856), les efforts des révolutionnaires pour rompre définitivement avec le passé ont fini par renforcer involontairement les structures étatistes. Malgré la consolidation d’un système républicain, l’héritage monarchique de la France perdure symboliquement dans les châteaux de Versailles et d’ailleurs, dans les statues omniprésentes des souverains de la dynastie des Bourbon et dans une forme de gouvernement démesurément centralisée, avec un pouvoir et des richesses immenses concentrés à Paris. Même privée de son empire, la France reste un pays extrêmement fier, que nombre de ses citoyens et admirateurs considèrent comme une civilisation ayant toujours le sentiment d’avoir une mission spéciale dans le monde et en Europe, et dont la langue est parlée bien au-delà de ses frontières (60 % des locuteurs quotidiens du français sont des citoyens d’autres pays). Mais surtout, la France d’aujourd’hui jouit de l’Etat de droit et ne menace plus ses voisins.La Russie possède elle aussi une tradition étatique et monarchique qui perdurera, ainsi qu’une tradition révolutionnaire périlleuse toujours présente dans ses institutions et dans les mémoires, à la fois comme une source d’inspiration et d’avertissement. Certes, les Romanov, autocrates, étaient encore moins contraints que les Bourbons, absolutistes. La Révolution russe a été considérablement plus brutale et destructrice que la Révolution française. L’empire perdu de la Russie était contigu, non pas outre-mer, et a duré beaucoup plus longtemps. En Russie, la domination de Moscou sur le reste du pays dépasse même celle de Paris en France. La vaste étendue géographique de la Russie éclipse celle de la France. Très peu de pays peuvent se comparer avec la Russie. Mais la France est peut-être celui qui a le plus de points communs avec elle.La France contemporaine est un grand pays, mais elle n’est pas sans détracteurs. Certains critiquent un étatisme excessif, les impôts élevés pour financer des services publics inégaux, ainsi qu’une idéologie socialiste répandue. D’autres critiquent la prétention de la France à vouloir rester une grande puissance, tout comme son chauvinisme culturel. D’autres encore déplorent les difficultés de la France à assimiler les immigrés. Quoi qu’il en soit, la France offre ce qui se rapproche le plus d’un modèle réaliste pour une Russie prospère et pacifique. Si la Russie devait devenir comme la France – une démocratie dotée d’un Etat de droit qui se complaît dans son passé à la fois absolutiste et révolutionnaire mais qui ne menace plus ses voisins – cela constituerait une réussite de premier ordre.La France a suivi un chemin tortueux pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Rappelons la terreur révolutionnaire de Robespierre, l’expansionnisme catastrophique de Napoléon, l’auto-coup d’Etat de Napoléon III (de président élu à empereur), la prise de pouvoir par la Commune de Paris, la défaite rapide du pays lors de la Seconde Guerre mondiale, le régime collaborationniste de Vichy qui a suivi, la guerre coloniale d’Algérie et les actes extraconstitutionnels du président Charles de Gaulle après qu’il est sorti de sa retraite en 1958. On pourrait estimer que la Russie a besoin de son propre de Gaulle pour aider à consolider un ordre libéral par le haut, même si rien aujourd’hui ne laisse présager cela. Mais seuls les hagiographes du Général croient qu’un seul homme a créé la France moderne. Malgré ses moments d’instabilité, ce pays a, au fil des générations, développé les institutions impartiales et professionnelles – une justice, une fonction publique, une sphère publique libre et ouverte – d’une nation démocratique et républicaine. Eltsine n’avait certes rien d’un de Gaulle. Mais le vrai problème de la Russie du début des années 1990, c’est qu’elle était bien plus éloignée d’un ordre constitutionnel stable que la France au moment de la mise en place de la Ve République, il y a plus de soixante ans.Une Russie nationaliste, mais retranchéeCertains Russes pourraient se réjouir d’une transformation de leur pays vers un modèle qui ressemblerait à la France, mais d’autres trouveraient cela abominable. Les caractéristiques idéologiques de ce qu’on considère aujourd’hui comme le poutinisme sont apparues dans les années 1970 : un nationalisme autoritaire, rancunier et mystique fondé sur l’antioccidentalisme, épousant des valeurs traditionnelles et empruntant de manière incohérente au slavophilisme, à l’eurasianisme et à l’orthodoxie orientale. On peut donc imaginer un leader nationaliste autoritaire qui défendrait ces points de vue et qui, comme Poutine, se montrerait inébranlable dans sa conviction que les Etats-Unis sont déterminés à détruire la Russie, mais qui s’avérerait aussi profondément troublé par l’avenir sombre de la Russie – et qui serait ainsi prêt à en rendre Poutine responsable. En d’autres termes, il s’agirait de quelqu’un qui fasse appel à la base de Poutine tout en expliquant que la guerre contre l’Ukraine nuit aux intérêts de la Russie.La démographie est un point particulièrement sensible pour les nationalistes russes, sans parler des hauts gradés de l’armée et de nombreux citoyens ordinaires. Depuis 1992, malgré une immigration considérable, la population russe a diminué. La population en âge de travailler a culminé en 2006 à environ 90 millions de personnes et se situe aujourd’hui à moins de 80 millions, soit une tendance catastrophique. Les dépenses liées à la guerre en Ukraine ont stimulé l’industrie de la défense russe, mais les limites en matière de main-d’œuvre deviennent de plus en plus évidentes, même dans ce secteur hautement prioritaire, qui manque d’environ cinq millions de travailleurs qualifiés. La proportion de travailleurs appartenant à la tranche d’âge la plus productive, celle des 20-39 ans, continuera de diminuer au cours de la prochaine décennie. Rien, pas même l’enlèvement d’enfants en Ukraine, pour lequel la Cour pénale internationale a inculpé Poutine, n’inversera ce déclin démographique, et que les pertes exorbitantes de la guerre ne font qu’aggraver.Rien ne laisse présager des gains de productivité qui pourraient compenser ces tendances démographiques. La Russie se classe pratiquement au dernier rang mondial en ce qui concerne l’ampleur et la rapidité de l’automatisation de la production. Même avant que la guerre en Ukraine ne commence à grever le budget de l’Etat, la Russie se retrouvait étonnamment bas dans les classements mondiaux en matière de dépenses d’éducation. Depuis deux ans, Poutine a volontairement renoncé à une grande partie de l’avenir économique du pays en incitant ou en forçant des milliers de jeunes travailleurs du secteur technologique à fuir la conscription et la répression. Il s’agit de personnes que les nationalistes enragés prétendent ne pas regretter, mais au fond d’eux-mêmes, beaucoup savent qu’une grande puissance a besoin de ces talents.Grâce à sa géographie eurasienne étendue et à ses liens de longue date avec de nombreuses régions du monde, ainsi qu’à son opportunisme, la Russie, en dépit des sanctions occidentales, est toujours en mesure d’importer de nombreux composants indispensables à son économie. Mais malgré cette ingéniosité, les élites ont parfaitement conscience des statistiques accablantes. Elles savent qu’en tant que pays exportateur de produits de base, le développement à long terme de la Russie dépend des transferts de technologie en provenance des pays avancés. Or l’invasion de l’Ukraine par Poutine a compliqué ses échanges avec l’Occident. Son adhésion symbolique au nihilisme du Hamas a par ailleurs tendu les relations avec Israël, un important fournisseur de biens et de services de haute technologie. Les élites russes sont physiquement coupées du monde développé : les résidences secondaires dans les Emirats arabes unis (EAU), aussi agréables soient-elles, ne peuvent remplacer les villas et les internats européens.Bien qu’un régime autoritaire russe ait une fois de plus fait preuve de résilience en temps de guerre, le sérieux manque d’investissements intérieurs et de diversification, l’aggravation du déclin démographique comme du retard technologique pourraient pousser les nationalistes purs et durs – parmi lesquels les élites sont bien représentées – à admettre que la Russie court à sa propre perte. Nombreux sont ceux qui, en privé, ont conclu que Poutine lie la survie de son régime personnel vieillissant à la survie du pays en tant que grande puissance. Dans l’Histoire, de telles prises de conscience ont précipité un changement de cap, l’abandon de l’expansion à outrance à l’étranger au profit d’une revitalisation à l’intérieur du pays. L’été dernier, lorsque le mercenaire Evgueni Prigojine a marché sur Moscou, il n’a pas été soutenu par les officiers militaires, l’une des raisons pour lesquelles il a annulé son opération. Mais les partisans du régime ne se sont pas pressés pour défendre Poutine en temps réel. L’épisode a constitué un référendum involontaire sur le régime, révélant une certaine faiblesse de sa force répressive.Un retranchement de la Russie pourrait résulter d’un départ précipité de Poutine, ou être la conséquence de sa mort naturelle. Il pourrait également lui être imposé, sans qu’il soit démis de ses fonctions, par des menaces politiques significatives pesant sur son pouvoir. Quoi qu’il en soit, il s’agirait essentiellement de mouvements tactiques motivés par la reconnaissance du fait que la Russie n’a plus les moyens de s’opposer sans fin à l’Occident, qu’elle en paie un prix exorbitant et qu’elle risque de perdre définitivement des liens européens vitaux en échange d’une dépendance humiliante à l’égard de la Chine.La Russie comme vassale de la ChineLes élites pro-Poutine se vantent d’avoir développé une option meilleure que l’Occident. Le lien entre la Chine et la Russie a surpris de nombreux analystes qui connaissent les relations historiquement tendues entre Pékin et Moscou, notamment la tristement célèbre scission sino-soviétique des années 1960, qui a culminé avec une courte guerre frontalière. Bien que ce conflit ait été officiellement réglé, la Russie reste le seul pays à contrôler des territoires dérobés à l’empire Qing dans le cadre de ce que les Chinois dénoncent comme des « traités inégaux ». Cela n’a pas empêché la Chine et la Russie de renforcer leurs liens, notamment en organisant des exercices militaires conjoints à grande échelle, dont la fréquence et la portée géographique se sont accrues au cours des vingt dernières années. Les deux pays sont entièrement alignés en ce qui concerne les griefs de la Russie concernant l’expansion de l’Otan et l’ingérence de l’Occident en Ukraine, où le soutien de la Chine à la Russie continue d’être crucial.Le rapprochement sino-russe est antérieur à la montée en puissance de Vladimir Poutine et de Xi Jinping. Dans les années 1980, Deng Xiaoping s’était détourné de Moscou d’une manière plus importante que Mao Zedong dans les années 1960 et 1970. Deng a permis aux producteurs chinois d’accéder au marché intérieur américain.Le divorce de Deng avec l’Union soviétique communiste pour un mariage économique de facto avec des capitalistes américains et européens a inauguré une ère de prospérité qui a donné naissance à la classe moyenne chinoise. Mais la Chine et la Russie sont restées liées. Le successeur de Deng, Jiang Zemin, formé dans une usine soviétique, est retourné vers la Russie comme une maîtresse, sans rompre le lien marital entre les Etats-Unis et la Chine. Jiang a passé des commandes qui ont contribué à ressusciter le complexe militaro-industriel russe, tout en modernisant la production d’armes chinoises. En 1996, Jiang et Eltsine ont proclamé un « partenariat stratégique ».Néanmoins, les relations sociétales et culturelles entre les deux peuples restent superficielles. Les Russes sont culturellement européens et peu d’entre eux parlent le chinois (par rapport à l’anglais). Bien que certains Chinois âgés parlent le russe, héritage de l’ancienne domination de Moscou sur le monde communiste, ils ne sont pas nombreux et l’époque où les étudiants chinois fréquentaient massivement les universités russes n’est plus qu’un lointain souvenir. Les Russes craignent la puissance de la Chine et de nombreux Chinois qui méprisent la faiblesse ridiculisent la Russie sur Internet. Les piliers du Parti communiste chinois ne pardonnent pas à Moscou d’avoir détruit le communisme en Eurasie et en Europe de l’Est.La profondeur de la relation personnelle entre Poutine et Xi a compensé ces liens fragiles entre leurs pays. Les deux hommes entretiennent une véritable « bromance », se rencontrant 42 fois, se qualifiant publiquement l’un l’autre de « mon meilleur ami » (Xi à propos de Poutine) et de « cher ami » (Poutine à propos de Xi). La solidarité entre ces deux âmes sœurs s’appuie sur un antioccidentalisme constant, et en particulier l’antiaméricanisme. Alors que la Chine, l’ancien partenaire junior, est devenue le partenaire senior, les deux voisins ont renforcé leurs relations, annonçant un « partenariat stratégique global » en 2013. Officiellement, les échanges commerciaux entre la Russie et la Chine dépasseront les 230 milliards de dollars en 2023 ; si l’on tient compte de l’inflation, ils tournaient autour de 16 milliards de dollars trois décennies plus tôt et s’élevaient à seulement 78 milliards de dollars au milieu des années 2010. En outre, le chiffre de 2023 n’inclut pas les dizaines de milliards supplémentaires d’échanges bilatéraux dissimulés par des pays tiers, tels que le Kirghizistan, la Turquie et les EAU.La Chine achète toujours des moteurs d’avions militaires à la Russie. Mais pour le reste, la dépendance est dans l’autre sens. Les sanctions occidentales ont accéléré le déclin de l’industrie automobile russe au profit de la Chine. Moscou détient aujourd’hui des réserves considérables de yuans, qui ne peuvent être utilisées que pour acheter des produits chinois. Mais malgré d’innombrables réunions au fil des décennies, il n’y a toujours pas d’accord final sur un nouveau grand gazoduc qui partirait de Sibérie vers la Chine en passant par la Mongolie. Les dirigeants chinois ont soigneusement évité de devenir dépendants de la Russie, que ce soit pour l’énergie ou autre chose. Au contraire, la Chine est déjà le leader mondial de l’énergie solaire et éolienne, et elle s’efforce de supplanter la Russie en tant que premier acteur mondial dans le domaine de l’énergie nucléaire.Les élites russes, tout en dénonçant avec véhémence la volonté imaginaire des Etats-Unis d’assujettir ou de démembrer leur pays, ne protestent généralement pas contre la soumission de la Russie à la Chine. Dernièrement, les commentateurs russes ont mis en avant l’histoire d’Alexandre Nevski qui, au XIIIe siècle, régnait en tant que prince de Novgorod, l’un des Etats rattachés à la Moscovie. Confronté à un double défi, Nevski a choisi de combattre les croisés de l’Ouest, battant les chevaliers de l’ordre Teutonique lors de « la bataille sur la glace », et de s’accommoder de l’invasion des Mongols de l’Est, trouvant un accord avec la Horde d’or pour être reconnu comme grand prince de Russie. Dans cette version, les chrétiens occidentaux étaient déterminés à saper l’identité chrétienne orientale de la Russie, tandis que les Mongols voulaient simplement que la Russie paie un tribut. L’implication de cette comparaison historique est qu’aujourd’hui, le fait de se soumettre à la Chine n’obligerait pas la Russie à renoncer à son identité, là où une défaite dans sa confrontation avec l’Occident l’exigerait. Ceci est bien sûr une vaste blague. Les Russes ont mis des siècles à se libérer de ce que leurs manuels scolaires appelaient « le joug mongol », tandis que la Russie a survécu à ses relations avec l’Occident pendant des siècles sans jamais devenir elle-même occidentale.Le déséquilibre croissant dans les relations entre la Russie et la Chine a incité les analystes à présenter la première comme devenant le vassal de la seconde. Mais la Chine n’a pas signé de traité contraignant avec la Russie. Poutine ne possède que la parole de Xi, âgé de 70 ans, et le leader chinois est lui aussi mortel. Aujourd’hui, les deux dirigeants continuent de dénoncer la volonté d’hégémonie des Etats-Unis, tout en coopérant étroitement. Leur ambition commune de sécuriser l’ordre mondial pour leurs dictatures respectives est à l’origine d’une vassalité de fait, que pourtant ni l’un ni l’autre ne souhaitent.La Russie devient une grande Corée du NordEn renforçant la dépendance de la Russie à l’égard de la Chine, Poutine ou son successeur pourrait paradoxalement s’inspirer de l’expérience de la Corée du Nord, de quoi faire réfléchir Xi ou son successeur. Lors de l’intervention de Pékin pour sauver Pyongyang pendant la guerre de Corée, Mao a déclaré, en s’appuyant sur un proverbe, que si les lèvres (la Corée du Nord) disparaissent, les dents (la Chine) resteront froides. Cette métaphore implique à la fois un acte de protection et une condition d’interdépendance. Au fil des ans, certains commentateurs chinois ont questionné ce soutien à la Corée du Nord, en particulier après l’essai nucléaire provocateur de cette dernière en 2006. Face aux sanctions de l’ONU, auxquelles la Chine s’est jointe, les dirigeants nord-coréens ont poursuivi de manière agressive leurs programmes d’armes nucléaires et de missiles, qui peuvent atteindre non seulement Séoul et Tokyo, mais aussi Pékin et Shanghai. Pourtant, les dirigeants chinois ont fini par réaffirmer leur soutien à Pyongyang, en 2018. Compte tenu de l’extrême dépendance de la Corée du Nord à l’égard de la Chine pour la nourriture, le carburant et bien d’autres choses, Pékin semble tenir son dirigeant, Kim Jong-un, en étau.Mais comme les cercles dirigeants de Pékin l’ont réalisé à maintes reprises, Kim Jong-un ne s’en remet pas toujours à ses protecteurs. En 2017, il a fait assassiner son demi-frère, Kim Jong-nam, pourtant sous la protection de la Chine à l’étranger. Kim Jong-un peut s’en tirer parce qu’il sait que la Chine ne souhaite pas la chute du régime de Pyongyang. Si l’Etat nord-coréen implosait, la péninsule serait réunifiée sous l’égide de la Corée du Sud, alliée des Etats-Unis. La Chine perdrait alors enfin la guerre de Corée, suspendue depuis plus de soixante-dix ans par un armistice. La perte du tampon coréen pourrait compliquer les options et les calendriers internes de Pékin concernant l’absorption espérée de Taïwan, puisque la Chine serait confrontée à un environnement extérieur plus hostile. Historiquement, l’instabilité dans la péninsule coréenne a eu tendance à se propager en Chine, et un afflux de réfugiés pourrait déstabiliser le nord-est de la Chine et potentiellement bien plus encore. Pékin semble donc être coincé dans une forme de dépendance inversée avec Pyongyang. De la même façon, Xi ne voudrait pas se retrouver dans une position similaire avec Moscou.La Russie et la Corée du Nord peuvent difficilement être plus différentes. La première est plus de 142 fois plus grande que la seconde en termes de superficie. La Corée du Nord a une dynastie que la Russie ne possède pas, même si chaque successeur de la famille Kim voit son statut de dirigeant entériné par le congrès du Parti. La Corée du Nord est également un allié officiel de la Chine, le seul allié de Pékin dans le monde, les deux pays ayant signé un pacte de défense mutuelle en 1961.Malgré ces différences, la Russie pourrait devenir une sorte de gigantesque Corée du Nord : répressive sur le plan intérieur, isolée et transgressive sur le plan international, dotée d’armes nucléaires et servilement dépendante de la Chine, mais toujours capable de s’opposer à Pékin. On ne sait toujours pas exactement ce que Poutine a divulgué à Pékin, en février 2022, concernant ses projets pour l’Ukraine, lorsqu’il a suscité une déclaration commune de « partenariat sans limites » entre la Chine et la Russie, ce qui a rapidement donné l’impression que Xi approuvait l’agression russe. Peu de temps après la publication par la Chine d’un plan de paix pour l’Ukraine, Xi s’est rendu à Moscou pour un sommet. Pourtant, un porte-parole du Kremlin rejetait la possibilité d’une paix, alors même que le gouvernement du président ukrainien Volodymyr Zelensky faisait savoir que le vague document de la Chine méritait d’être discuté. Plus tard, après que les diplomates chinois se sont vantés devant le monde entier, et en particulier devant l’Europe, que Xi avait obtenu de la Russie l’engagement de ne pas utiliser d’armes nucléaires en Ukraine, le régime de Poutine a annoncé qu’il déployait des armes nucléaires tactiques en Biélorussie. Il est peu probable que l’un ou l’autre de ces épisodes ait été conçu comme une insulte explicite envers la Chine. Mais ils ont amené les observateurs à s’interroger sur l’évolution de la Russie vers un scénario nord-coréen, car même s’ils n’étaient pas intentionnels, ils ont révélé la possibilité pour Moscou d’embarrasser Pékin sans en subir les conséquences.Xi a souligné ce qu’il appelle « l’intérêt fondamental des deux pays et de leurs peuples », laissant entendre que la relation spéciale survivrait aux dirigeants actuels du Kremlin. En vérité, une Chine autoritaire ne pourrait guère se permettre de perdre la Russie si cela impliquait de se retrouver avec une Russie proaméricaine à sa frontière nord, un scénario similaire mais nettement plus menaçant qu’une péninsule coréenne réunifiée et proaméricaine. Au minimum, l’accès au pétrole et au gaz russes, assurance partielle pour la Chine contre un éventuel blocus maritime, serait menacé. Mais même si la Chine ne profitait pas sur plan matériel de sa relation avec la Russie, empêcher ce pays de se tourner vers l’Occident resterait une priorité absolue en matière de sécurité nationale. Une Russie sous influence américaine permettrait à l’Occident de renforcer sa surveillance de la Chine. Pis, la Chine devrait soudain redéployer d’importants moyens pour défendre sa vaste frontière septentrionale. Pékin doit donc être prêt à gérer une Russie qui se comporterait comme la Corée du Nord.Le scénario du chaosLe régime de Poutine brandit la menace du chaos et de l’inconnu pour repousser les défis et les changements en interne. Mais tout en semant le chaos à l’étranger, de l’Europe de l’Est à l’Afrique et au Moyen-Orient, la Russie elle-même pourrait en être victime. Le régime de Poutine semble plus ou moins stable en dépit d’une guerre à grande échelle, tandis que les prédictions sur un effondrement du fait des sanctions occidentales ne se sont pas vérifiées. Mais, par deux fois, des Etats dirigés depuis Saint-Pétersbourg puis Moscou se sont désintégrés au cours du XXe siècle, à chaque fois de manière inattendue mais totale. Il existe de nombreuses causes plausibles d’un effondrement dans un avenir proche : une mutinerie intérieure qui échappe à tout contrôle, une ou plusieurs catastrophes naturelles que les autorités ne sont pas en mesure de gérer, un accident ou un sabotage intentionnel d’installations nucléaires, ou encore la mort accidentelle ou non d’un dirigeant. Les pays tels que la Russie, dont les institutions sont corrodées et qui souffrent d’un déficit de légitimité, ne sont guère résistants face à ce genre de scénario. Le chaos pourrait bien être le prix à payer si le pays n’accepte pas de se replier sur soi.Mais même en cas d’anarchie, la Russie n’éclaterait pas comme l’Union soviétique. Comme l’a déploré le dernier analyste en chef du KGB, la fédération soviétique ressemblait à une tablette de chocolat : ses carreaux (les 15 républiques de l’Union) étaient délimités comme par des plis et donc prêts à être brisés. En revanche, l’actuelle Fédération de Russie se compose essentiellement d’unités territoriales non fondées sur l’appartenance ethnique et dépourvues d’un statut quasi-étatique. Ses républiques, comme le Tatarstan, le Bachkortostan, la république des Maris ou la Iakoutie, n’ont pas de majorité ethnique claire et se situent géographiquement souvent à l’intérieur du pays.Néanmoins, la Fédération pourrait, en partie, se désintégrer dans ses régions frontalières instables, comme le Caucase du Nord. Kaliningrad, petite enclave russe coincée entre la Lituanie et la Pologne, pourrait elle aussi être vulnérable.Si le chaos submerge Moscou, la Chine pourrait tenter de reprendre les vastes terres du bassin de l’Amour, que les Romanov avaient subtilisé aux Qing. Le Japon pourrait faire valoir par la force ses revendications sur les territoires du Nord, que les Russes appellent les Kouriles du Sud, sur l’île de Sakhaline, autrefois sous domination japonaise, et peut-être même sur une partie de l’Extrême-Orient russe, que le Japon a occupée pendant la guerre civile russe. Les Finlandais pourraient chercher à récupérer la partie de la Carélie qu’ils ont autrefois gouvernée. De telles actions pourraient déclencher un effondrement général, ou se retourner contre eux en provoquant une mobilisation massive des Russes.Dans ce scénario du chaos, même sans perte territoriale majeure, les mafias et les cybercriminels pourraient opérer avec encore plus d’impunité. Les armes nucléaires et biologiques, ainsi que les scientifiques qui les développent, pourraient s’éparpiller – un cauchemar évité au moment de l’effondrement de l’Union soviétique, en partie parce que de nombreux scientifiques soviétiques croyaient en l’émergence d’une Russie meilleure. En cas de nouvel effondrement russe, impossible de prédire comment réagirait la population. Le chaos n’est pas forcément synonyme de scénario catastrophe, mais il peut l’être. En 1991, l’Armageddon n’a peut-être été que retardé, au lieu d’être évité.Le fantasme d’une grande puissance eurasienneLes propagandistes du régime de Poutine, tout comme ses critiques à l’extrême droite, imaginent un scénario différent : la Russie, dans un monde multipolaire, dominerait l’Eurasie et jouerait le rôle d’un arbitre clé dans les affaires mondiales. « Nous devons nous trouver nous-mêmes et comprendre qui nous sommes », a déclaré l’année dernière le politologue Sergueï Karaganov, un fidèle du Kremlin. « Nous sommes une grande puissance eurasienne, l’Eurasie du Nord, un libérateur de peuples, un garant de la paix et le noyau militaro-politique de la majorité mondiale. Telle est notre destinée manifeste. » Mais le soi-disant « Sud global » – ou, comme le dit Karaganov, « la majorité mondiale » – n’a rien d’une entité cohérente, et la Russie n’en est nullement le centre. Le projet d’une Russie en tant que supercontinent autonome, à cheval sur l’Europe et l’Asie, a déjà échoué. L’Union soviétique a détenu par la force non seulement un empire intérieur sur la mer Baltique et la mer Noire, mais aussi un empire extérieur avec des pays satellites, tout cela en vain.Malgré l’occupation de près de 20 % de l’Ukraine, le monde russe se rétrécit. Sur le plan territorial, la Russie n’a jamais été aussi éloignée du cœur de l’Europe depuis les conquêtes de Pierre le Grand et de Catherine la Grande. Plus de trois siècles après son apparition sur le Pacifique, la Russie n’a jamais réussi à devenir une puissance asiatique. Elle ne sera jamais culturellement à l’aise en Asie, et sa population, déjà minuscule à l’est du lac Baïkal, s’est réduite depuis l’effondrement de l’Union soviétique.L’influence de la Russie sur son voisinage immédiat a également diminué. La majorité des populations non russes des anciens territoires soviétiques veulent de moins en moins avoir affaire à leur ancien suzerain. Les Arméniens sont aigris, les Kazakhs sont méfiants et les Biélorusses sont pris au piège et malheureux. L’eurasisme et le slavophilisme sont souvent restés lettre morte : l’écrasante majorité des Slaves non russes du monde ont rejoint ou réclament à cor et à cri de rejoindre l’Union européenne et l’Otan.Rien ne permet à la Russie de devenir un modèle attractif au niveau mondial. Son système économique n’a rien d’inspirant. Elle peut difficilement faire figure de pays donateur. Elle est moins en mesure de vendre des armes, dont elle a le plus grand besoin en Ukraine. Elle a perdu sa position de force en tant que fournisseur de satellites. Elle fait partie d’un club de parias avec l’Iran et la Corée du Nord, qui s’échangent des armes et bafouent le droit international. On peut imaginer que chacun trahira l’autre si l’occasion se présente. Même de nombreux anciens partenaires soviétiques qui ont refusé de condamner la Russie au sujet de l’Ukraine, notamment l’Inde et l’Afrique du Sud, ne considèrent pas Moscou comme un partenaire de développement, mais comme un moyen pour renforcer leur propre souveraineté. La politique étrangère de la Russie lui permet au mieux des gains tactiques, et non pas stratégiques : son capital humain n’en sort pas renforcé, il n’y a pas d’accès assuré aux technologies de pointe, pas d’investissements étrangers ou de nouvelles infrastructures, pas d’alliances conventionnelles, autrement dit les clés de la puissance moderne. Outre les matières premières et la brutalité politique, les seules choses que la Russie exporte sont des personnes talentueuses.Poutine a aussi défait plus de deux siècles de neutralité suédoise et trois quarts de siècle de finlandisation (Helsinki s’en remettant à Moscou pour les principales questions de politique étrangère), ce qui a incité les deux pays à rejoindre l’Otan. L’Allemagne a longtemps joué le rôle de pont avec la Russie, afin de s’assurer une réunification pacifique et des échanges commerciaux lucratifs. Mais aujourd’hui, Moscou ne peut plus conclure d’accords avec Berlin pour raviver ses liens européens, à moins de modifier fondamentalement son propre comportement politique, voire tout son système politique. En outre, même si Moscou changeait de cap, la Pologne et les Etats baltes s’opposeraient résolument à une réconciliation entre la Russie et l’Europe en tant que membres permanents de l’Otan et de l’UE.La Russie est ainsi à la croisée des chemins : l’un, risqué, mène vers des liens plus profonds avec la Chine, l’autre vers un retour, contre vents et marées, en Europe.Diplomatie habileLa stratégie actuelle de la Russie semble simple : surinvestir largement dans l’armée, les actions de déstabilisation à l’étranger et la police secrète, et tenter de corrompre l’Occident. Poutine peut s’en sortir tant que l’Occident s’affaiblit lui aussi. Certains Russes fantasment sur une guerre entre les Etats-Unis et la Chine, ce qui permettrait à la Russie d’améliorer sa position relative sans avoir à faire aucun effort. L’Occident peut ainsi en tirer des conclusions évidentes : Washington et ses alliés doivent rester forts ensembles, et Pékin doit être dissuadé sans toutefois provoquer de guerre sino-américaine.La paix est le fruit de la force combinée à une diplomatie habile. Les Etats-Unis doivent ainsi maintenir une pression concertée sur la Russie, tout en incitant Moscou à entamer un retrait. Cela signifie qu’il faut développer des outils militaires de nouvelle génération, mais aussi poursuivre les négociations. Washington devrait également se préparer à l’éventualité d’un tournant nationaliste en Russie, et même à l’encourager. Dans le cas où la Russie n’évoluerait pas de sitôt vers un modèle comme celui de la France, la montée d’un nationalisme russe qui reconnaîtrait les coûts de l’antioccidentalisme extrême semble le scénario le plus plausible pour que la Russie retrouve, à long terme, une place stable dans l’ordre international. A court terme, cela pourrait passer par la fin des combats en Ukraine dans des conditions favorables à Kiev : un armistice sans reconnaissance légale des annexions russes et sans traité empêchant l’Ukraine d’adhérer à l’Otan, à l’UE ou à toute autre organisation internationale. Poutine atteindra peut-être ses objectifs de guerre avant que la Russie ne soit prête à accepter de telles conditions, mais pour lui, les coûts élevés persisteraient, car le conflit pourrait passer d’une guerre d’usure à une insurrection ukrainienne.Aussi étrange que cela puisse paraître, afin de favoriser un retrait de la Russie, Washington et ses partenaires ont besoin de mener une politique prorusse : en d’autres termes, au lieu de pousser davantage les Russes dans les bras de Poutine en confirmant ses affirmations sur un Occident qui serait foncièrement antirusse, nos dirigeants et nos organisations devraient accueillir et récompenser – par des visas, des opportunités d’emploi, des possibilités d’investissement, des échanges culturels – les Russes prêts à contredire Poutine, sans être forcément eux-mêmes des libéraux. Ce serait en tout cas une erreur que d’espérer, et de soutenir, uniquement un futur gouvernement russe pro-occidental.* Stephen Kotkin est historien, spécialiste de la Russie et chercheur au Hoover Institution à l’université Stanford. Il s’apprête à publier en anglais le troisième volume de sa monumentale biographie de Staline, qui fait référence dans le monde anglo-saxon. Cet article est paru en version originale dans le magazine Foreign Affairs. © 2024 Foreign Affairs. Distributed by Tribune Content Agency.



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Publish date : 2024-05-12 18:45:00

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