L’Express

Guerre à Gaza : Netanyahou risque-t-il de faire d’Israël un Etat paria ?

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou




Les épées de Damoclès se multiplient au-dessus de la tête de Benyamin Netanyahou. A tel point que, selon plusieurs sources, « un sentiment de panique virale » s’est emparé du cabinet du Premier ministre ces derniers jours. Première menace, et non des moindres : la Cour pénale internationale (CPI) s’apprêterait à émettre des mandats d’arrêt contre plusieurs responsables de l’Etat hébreu, dont Netanyahou, pour avoir orchestré une famine dans la bande de Gaza. Cette décision serait une immense claque pour le Premier ministre qui, à chaque campagne électorale, se targue de sa proximité avec les grands de ce monde et se retrouverait interdit de déplacement en Europe, sous peine d’arrestation. « Pour Israël, ce serait un séisme politique comme jamais notre pays n’en a connu », résume le chroniqueur Ben Caspit dans Maariv.Autre source d’inquiétude pour Israël : d’après le site d’information Axios, toujours bien renseigné sur les coulisses du pouvoir israélien, les États-Unis ont interrompu une livraison d’armes à l’État hébreu début mai, après une conversation extrêmement tendue entre Netanyahou et le secrétaire d’État Antony Blinken à Jérusalem. Le chef de la diplomatie américaine a prévenu le Premier ministre israélien que les États-Unis s’opposeraient publiquement à une offensive israélienne sur Rafah, dans le sud de bande de Gaza, où sont réfugiés 1,5 million de civils palestiniens.Le 5 mai, pendant une cérémonie de souvenir de la Shoah, Netanyahou a répondu, à sa façon, aux pressions de l’administration Biden : « Pendant l’Holocauste, de grands dirigeants internationaux sont restés les bras croisés. La première leçon de l’Holocauste est donc celle-ci : si nous ne nous défendons pas nous-même, personne ne viendra nous défendre. Si nous devons être seuls, alors nous serons seuls. » Dès le lendemain, Israël a demandé aux civils d’accélérer leur évacuation de Rafah, laissant entendre que son opération militaire serait imminente.Un isolement international anticipé par les dirigeants israéliensChaque jour de guerre accroît l’isolement d’Israël sur la scène internationale, avec des Européens qui exigent, depuis plusieurs mois maintenant, un cessez-le-feu à Gaza et une administration américaine exaspérée par le gouvernement Netanyahou. Ce scénario, redouté par tous en Israël, n’est toutefois pas une surprise pour l’establishment israélien. En avril 2022, deux mois après l’invasion de l’Ukraine, un haut fonctionnaire de l’État hébreu nous expliquait qu’Israël s’opposait frontalement aux sanctions contre la Russie car le pays craignait de subir le même sort en cas de guerre régionale. « Le cas russe crée un précédent, mettait-il en garde. Quand vous isolez un pays pour des raisons morales, il n’y a aucune raison de s’arrêter à la seule Russie : tous ceux qui vont mener des guerres, justes ou injustes, seront désormais menacés par d’éventuelles sanctions occidentales. Ce sera le cas pour Israël. »Dès le lendemain du 7 octobre, les dirigeants israéliens savaient que le soutien des Occidentaux à leur réponse armée dans la bande de Gaza serait limité dans le temps. « La légitimité internationale reste très importante pour Israël, mais il ne s’agit pas d’une simple opération dans la bande de Gaza ou d’une menace terroriste en Cisjordanie : il s’agit d’une guerre existentielle pour Israël, donc peu importe la légitimité internationale, tranche Kobi Michael, spécialiste des questions de Défense à l’Institute for National Security Studies de Tel-Aviv. L’État d’Israël doit faire ce qu’il a à faire afin de retrouver sa sécurité… »Pour Netanyahou et ses alliés d’extrême droite, cela revient à rejeter toute concession au Hamas, alors qu’une centaine d’otages israéliens reste aux mains du groupe terroriste. Fin avril, l’espoir d’une trêve de 40 jours et de la libération de captifs prenait forme, mais les négociations semblent de nouveau au point mort après la sortie de Netanyahou, le 4 mai, assurant que « la fin de la guerre [ne peut pas] faire partie de l’accord ». « Le prix à payer est lourd pour tous les camps, mais Israël n’a pas d’autre option », estime Kobi Michael. En face, le Hamas ne semble pas non plus pressé d’obtenir un cessez-le-feu, la majorité de ses dirigeants se trouvant en dehors de la bande de Gaza. « C’est bien le Hamas qui repousse la libération de nos otages, a assuré Netanyahou dans un communiqué. Nous faisons tout notre possible pour les libérer, c’est notre priorité. »L’interdiction d’Al-Jazeera et le message au QatarDans ce contexte, l’interdiction d’Al-Jazeera en Israël et le raid mené dans les locaux de la chaîne à Jérusalem, le 5 mai, interrogent : quel intérêt le pouvoir israélien a-t-il à cibler aujourd’hui le symbole national du Qatar, acteur principal des négociations avec le Hamas ? Israël prétend que fermer la chaîne, qui couvre abondamment les événements dans la bande de Gaza, répond à des impératifs de sécurité nationale, mais l’argument peine à convaincre après sept mois de conflit. En censurant une grande chaîne internationale, le gouvernement Netanyahou ne peut qu’accentuer les accusations d’autoritarisme qui le visent, sans faire cesser les critiques, externes comme internes. Même Benny Gantz, pourtant membre du cabinet de guerre, a reconnu que « le timing de cette interdiction n’est pas idéal » et risque de mettre en péril le sauvetage des otages israéliens.Face à cette stratégie, dictée par l’aile la plus extrême du gouvernement, la société civile est sortie massivement dans les grandes villes israéliennes, samedi 4 mai. En plus des demandes traditionnelles – la libération des otages et la démission de Netanyahou -, les dizaines de milliers de manifestants font entendre de plus en plus fort une nouvelle demande : celle d’un cessez-le-feu à Gaza. Un impératif pour ne pas se retrouver au ban de la scène internationale.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/guerre-a-gaza-netanyahou-risque-t-il-de-faire-disrael-un-etat-paria-ELW65ZZ2CRHEREP5BLDOOBVBWI/

Author : Corentin Pennarguear

Publish date : 2024-05-06 16:23:29

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .