L’Express

Comment le secteur automobile accélère pour atteindre la neutralité carbone

Les industriels vont investir 550 milliards d’euros pour électrifier leurs gammes.




Les chiffres donnent le tournis. Plus de 1 000 milliards de dollars ! C’est la somme a minima nécessaire pour réduire les émissions de CO2 dans l’industrie automobile mondiale. L’estimation réalisée par BloombergNEF, le cabinet d’étude sur les nouvelles énergies, lié à l’agence d’information financière, table sur une électrification généralisée et un recours massif à l’hydrogène vert. De fait, les constructeurs prévoient d’investir 600 milliards de dollars (550 milliards d’euros) pour l’électrification de leur gamme d’ici à 2030, auxquels s’ajoutent 500 milliards (460 milliards d’euros) destinés à la création de giga-usines de batteries. »Les géants de l’automobile ont été trop lents dans leur transition et trop arrogants pour reconnaître leur retard. Leur obsession pour les gros SUV et le premium a fait caler le développement de masse de la voiture électrique, fustige Julia Poliscanova, directrice senior véhicules et e-mobilité de l’ONG Transport et environnement. Maintenant, ils tentent de rattraper leur retard. » Et au pas de charge !Le cabinet de conseil Inovev recensait 17 nouveaux modèles électrifiés lancés en Europe en 2024. C’était avant que Stellantis annonce sa volonté de commercialiser 18 nouveaux véhicules 100 % électriques d’ici la fin de l’année. « La lame de fond de l’électrique est engagée, proclamait Carlos Tavares, son patron, lors la présentation des résultats annuels. Le réchauffement climatique s’impose à nous. Nous observons que la trajectoire de 1,5 °C, posée par l’accord de Paris, est déjà dépassée. »Ensemble, les constructeurs et les équipementiers enclenchent donc la vitesse supérieure pour atteindre la neutralité carbone et se convertissent à marche forcée aux technologies de demain. Embarqués dans l’électrification de leurs gammes, les groupes automobiles intensifient la poursuite des innovations pour élaborer des moteurs plus puissants, économes et propres. La nouvelle plateforme de BMW, qui accueillera six nouveaux modèles d’ici à 2027, promet un gain d’autonomie et de temps de charge de 30 % pour une consommation réduite de 25 %. Surtout, le moteur ne contient pas de terres rares, ce qui réduit de 30 % son impact carbone. Renault et Valeo travaillent sur un engin similaire dont l’industrialisation est attendue en 2027 à Cléon (Seine-Maritime).La fin des motorisations thermiques, en Europe, contraint les acteurs à explorer de nouvelles voies. Plastic Omnium, le spécialiste des réservoirs de carburant, investit actuellement 150 millions d’euros dans une usine à Lachelle, près de Compiègne (Oise), dédiée aux systèmes de stockage à hydrogène. Dès 2025, elle en délivrera 80 000 chaque année pour les véhicules utilitaires de Stellantis produits à Hordain (Nord) et de Hyvia à Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne). A terme, le site picard diversifiera les tailles de ses produits pour équiper aussi bien des voitures particulières, des bus, des poids lourds et des trains. Jusque-là, le français possédait un seul site de production de réservoirs à hydrogène à Herentals, en Belgique, d’une capacité de 10 000 pièces par an. Son concurrent Forvia a inauguré son site à Allenjoie (Doubs) en octobre 2023 et annonce une capacité de 100 000 unités à l’horizon 2030.Les bonnes pratiques se généralisent »La technologie est au cœur de la transition, mais elle ne sera pas suffisante pour atteindre zéro émission nette pour le milieu du siècle », prévient BloombergNEF. « La focalisation sur les seules émissions de CO2 des véhicules ne suffira pas. Il est indispensable de considérer l’empreinte carbone totale du cycle de production et de commercialisation », abonde Vincent Salimon, président de BMW France. Le constructeur allemand s’astreint à choisir des fournisseurs qui utilisent des énergies renouvelables tel Northvolt, spécialiste suédois des cellules de batteries, dont la production est alimentée par l’hydroélectricité. Lui-même recourt à l’hydraulique aux Etats-Unis, au solaire en Chine et aux éoliennes en Allemagne. De bonnes pratiques qui se généralisent. Equipementiers et constructeurs couvrent leurs toits et leurs parkings de panneaux solaires, installent des aérogénérateurs, déploient des fermes de batteries de seconde vie pour stocker l’excédent de l’énergie produite et s’équipent en récupérateurs d’eau. »Un autre levier pour abaisser les niveaux de gaz à effet de serre consiste à limiter les transports des composants et à s’approvisionner localement », préconise Vincent Salimon. Pour répondre à cet impératif, l’Europe se couvre de giga-usines de batteries. Une cinquantaine sont attendues sur le Vieux Continent. Certaines sont déjà opérationnelles en Allemagne, en Suède, en Pologne et en Hongrie. Le chinois CATL vient d’investir 1 milliard d’euros dans un site d’accumulateurs outre-Rhin après s’être implanté dans le pays des Magyars. Quant à la filiale PowerCo de Volkswagen, elle n’envisage pas moins de six implantations à elle seule.La France a inauguré une première base à Billy-Berclau dans le Pas-de-Calais, le 30 mai 2023. ACC, la coentreprise de TotalEnergies, Stellantis et Mercedes, a alors ouvert le bal des projets qui, de Lens à Dunkerque, doivent donner naissance à « la vallée de la batterie ». En novembre dernier, Verkor a posé la première pierre de son unité consacrée à la production de cellules. Le chinois Envision s’active à Douai pour fournir la R5 de Renault en attendant que le taïwanais ProLogium s’installe à Dunkerque. Corolaire : les programmes d’extraction de lithium fleurissent en Europe. Le Portugal possède les plus importantes réserves de cet or blanc et a déjà donné son feu vert à deux exploitations. En Allemagne, le gisement de Bitterfeld-Wolfen produira le métal précieux dès le mois de mai. La multinationale française Imerys a jeté son dévolu sur la carrière de Beauvoir, à Echassières (Allier). A partir de fin 2028, la société espère traiter 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithine par an. De quoi construire l’équivalent de 700 000 batteries chaque année. En Alsace, le groupe minier Eramet et Electricité de Strasbourg expérimentent une unité pilote d’extraction directe de lithium prélevé des eaux géothermales.Vers des voitures recyclables ?Parallèlement à ces avancées, la filière automobile fait diligence dans l’économie circulaire. Battri construit des ateliers à Saint-Laurent-Blangy, près d’Arras (Pas-de-Calais) chargés du prétraitement des batteries. Un procédé consistant à les décharger, les démanteler ; à récupérer les plastiques, le cuivre et les solvants avant de broyer le graphite, le lithium, le cobalt et le nickel. En revanche, pour la séparation de ces éléments, l’entreprise passera la main à d’autres spécialistes. Suez ambitionne de se lancer dans le filon en collaboration avec Eramet, tandis que Veolia s’est associé à Renault.Depuis le 1er janvier 2024, la loi anti-gaspillage et économie circulaire établit la responsabilité élargie du producteur. Les constructeurs deviennent donc comptables de la fin de vie des véhicules qu’ils mettent sur le marché. Ils doivent en assurer la reprise sans frais sur tout le territoire et leur valorisation. Le recyclage n’est certes pas une nouveauté sur la planète automobile. Depuis des années, les marques répètent à l’envi qu’une voiture est recyclable à 85 %. Pourtant, le compte n’y est pas tout à fait. Pour hâter le pas, Renault a transformé son usine centenaire de Flins en site de reconditionnement en 2021. Et Stellantis effectue un copier-coller de son concurrent à Mirafiori, berceau historique de Fiat.Tous les constructeurs l’ont désormais compris : l’heure est à l’urgence.Un article du dossier spécial « Automobile » de L’Express, paru dans l’hebdo du 18 avril.



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Publish date : 2024-05-06 11:00:00

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