Comment s’extirper de la dépendance chinoise et parvenir, enfin, à prendre le train des technologies vertes sur le sol européen ? Il faudra bien l’air pur du pic du Midi pour aider Emmanuel Macron à résoudre ce casse-tête. Pour l’heure, son homologue Xi Jinping, en visite pour deux jours en France – garde l’avantage dans tous les domaines : les coûts, les sommes investies, les délais de fabrication, la réglementation… »Prenez le fabricant d’électrolyseurs McPhy. Sa gigafactory implantée à Belfort va monter en puissance, produisant peut-être 500 ou 600 mégawatts vers 2026 ou 2027, indique prévient Julien Moulin, président de Française De l’Energie (FDE), un producteur indépendant d’énergies 100 % décarbonées. Mais dans le top 5 des concurrents chinois, on trouve déjà des entreprises capables de livrer 3 gigawatts de capacité dès aujourd’hui. Et en 2026, ces acteurs seront peut-être à 10 gigawatts chacun ». A ce problème d’échelle s’ajoute celui de la réglementation car côté européen, il n’y a pas de barrière à l’entrée. En d’autres termes, rien n’empêche les entreprises françaises ayant besoin de s’équiper en électrolyseur pour produire de l’hydrogène d’acheter de l’équipement chinois ! »Si on veut vraiment capturer la valeur ajoutée dans la filière hydrogène, il faut favoriser les acteurs européens », explique l’entrepreneur, qui sait bien à quel point les entreprises chinoises peuvent se montrer compétitives. Pour son futur site de production d’énergie verte situé en Norvège, FDE a lancé récemment un appel d’offres. Les cinq propositions les plus intéressantes, pour la livraison d’électrolyseurs ou de compresseurs, émanaient de la Chine. « L’écart de prix avec les producteurs locaux n’était pas de 10 % mais de 70 % ! », confie Julien Moulin.Mêmes causes, mêmes effetsComment lutter dans ces conditions ? Certes, FDE a mis dans son contrat une clause de préférence pour les acteurs locaux, une façon d’encourager les producteurs scandinaves. « Mais dans le meilleur des cas, ces derniers disposent de trois ou quatre installations à nous montrer. Leurs concurrents chinois en ont bien plus. Leur retour d’expérience est donc bien plus important. Un avantage supplémentaire. Et comme en fin de compte, je n’ai aucun encouragement à acheter norvégien ou français, la Chine garde l’avantage, déplore l’entrepreneur ».Cette distorsion de concurrence coûte déjà extrêmement cher à l’Europe. « Dans le secteur des panneaux solaires, les derniers mohicans comme Systovisont en train de mettre la clé sous la porte. Ce sont pourtant de belles boîtes qui ont réussi à produire sur le Vieux Continent en 2024 malgré la concurrence chinoise », déplore Thomas Pellerin Carlin, ancien directeur du centre énergie de l’Institut Jacques-Delors et candidat aux élections européennes sur la liste portée par Raphaël Glucksmann. « Sur l’éolien, Vestas et Siemens résistent encore. Engie aussi grâce au marché domestique américain. Sinon, on ne trouve plus que des acteurs chinois. Si on ne change rien, ce qui est arrivé avec les panneaux solaires va se reproduire pour les électrolyseurs », avertit Julien Moulin. »Il faudrait mettre des barrières à l’entrée pour la Chine, mais depuis qu’on a fait entrer ce géant dans l’OMC en 2000, ce n’est pas possible », glisse un expert. « La stratégie du groupe John Cockerill – un producteur d’électrolyseurs basé à Liège – est intéressante. Ils ont pris la majorité d’un acteur chinois et maintenant, ils vont construire une usine à Mulhouse. Cela devrait leur permettre de bénéficier du retour d’expérience chinois et d’avoir une structure de coûts plus faibles car certains composants seront fabriqués en Chine. Leur usine pourrait donc résister un temps à la concurrence », estime Julien Moulin. Mais pour les autres, ce sera plutôt David contre Goliath.
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2024-05-06 13:25:55
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Après les panneaux solaires, les électrolyseurs ? Cette nouvelle lutte inégale face à la Chine
