L’Express

Mark Rutte : l’habile technocrate néerlandais pressenti à la tête de l’Otan

le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à La Haye, le 27 juin 2023




Lunettes ovales, sourire crispé et mise en plis impeccable, Mark Rutte ressemble à un fonctionnaire discret. Mais derrière ses airs de technocrate austère, se cache un dirigeant qui compte au sein de l’Union européenne. D’où l’enthousiasme de certains pays à l’idée qu’il reprenne la main sur l’Otan. Le Premier ministre néerlandais démissionnaire peut compter sur trois poids lourds de l’alliance (Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne). Il remplacerait l’actuel Secrétaire général, Jens Stoltenberg, aux manettes de l’organisation depuis dix ans.Et les termes sont clairs : Washington a fait « clairement savoir » à ses alliés que le chef d’Etat néerlandais ferait « un excellent secrétaire général », a affirmé, jeudi 21 février, un porte-parole de la Maison-Blanche, John Kirby. Même son de cloche pour le chancelier allemand Olaf Scholz, un appui de la première heure. « Avec son immense expérience, sa grande expertise en matière de politique de sécurité et son sens aigu de la diplomatie, il est un candidat exceptionnel », a-t-il écrit sur le réseau social X. Reste à convaincre la Turquie et la Hongrie, qui pourraient présenter de réels obstacles, le vote se faisant à l’unanimité.En juillet dernier, Mark Rutte a annoncé son départ de la scène politique néerlandaise, en raison de désaccords sur la politique migratoire. En attendant la formation d’un nouveau gouvernement, il assure l’intérim. En poste depuis treize ans à La Haye, l’homme de 57 ans a imposé son style. Protestant pratiquant, c’est un ascète qui déteste le bling-bling. Pas question de le flanquer d’une armée de gardes du corps ou de lui attribuer une voiture de fonction. Laissez-le au volant de sa vieille Saab. Tant qu’elle roule, pourquoi la mettre à la casse ? Un pragmatisme un brin sévère, contrebalancé par son humour ravageur. Celui qui se rêvait pianiste manie l’autodérision avec talent et peut faire mourir de rire une salle de journalistes. Preuve aussi qu’il est un habile communicant. »Mister Teflon »Aux prises avec le mécontentement suscité par le confinement lié au Covid-19, Mark Rutte dit renoncer à visiter sa mère mourante. Il est applaudi par l’opinion publique. Sa famille, il en parle de temps en temps. On sait qu’il est le septième de sa fratrie, que son père était un importateur ruiné et que son frère est mort du Sida en 1989. Un parcours cabossé qui lui donne aussi la force de gérer les scandales. D’où le surnom « Mister Teflon », traduction ? Tout glisse sur lui.Comme lorsque le pays découvre que 26 000 parents avaient été accusés à tort de fraude aux allocations familiales. Mark Rutte démissionne en janvier 2021 pour mieux revenir. Le chef d’Etat sait faire preuve de souplesse et donner lieu à des virages inattendus. Comme en janvier 2020, lorsqu’il s’excuse auprès de la communauté juive pour la persécution dont elle fut victime aux Pays-Bas, alors qu’il avait plaidé pour une dépénalisation du négationnisme en 2009.S’il est populaire, le Néerlandais ne fait pas l’unanimité. Car, derrière ses sourires, il y a un libéral convaincu : coupes dans le budget de la santé, gel du salaire des fonctionnaires, réductions de postes dans l’administration, relèvement de l’âge de départ en retraite… Au niveau européen, c’est lui qui avait mené la fronde des pays dits « frugaux » pour dénoncer un plan de relance post-Covid « trop généreux » à l’égard du Sud… Une attitude qui lui vaut l’autre surnom de « Monsieur Non ». Pour l’ex-responsable des ressources humaines chez Unilever, l’Union européenne est davantage un marché économique, qu’une organisation politique. « Rutte est un rude négociateur, mais il fait des compromis et ne reste pas un Monsieur Non », constatait Rem Korteweg, chercheur au groupe de réflexion néerlandais Clingendael, dans L’Express en 2021.D’ailleurs, le voir avancer ses pions sur la scène internationale surprend. En 2019, il avait décliné la présidence du Conseil européen, pourtant favori, avant d’appuyer la candidature du Premier ministre belge de l’époque, Charles Michel. Du haut de son 1m93, cet homme serait trop attaché à sa routine, à son chez-soi et… à son mode de vie célibataire. Aucune envie donc d’aller bousculer son quotidien à Bruxelles. Une attitude qui a sans doute évolué au cours des années.Il tient tête à TrumpPour le quotidien chrétien Trouw, cette nomination serait l’occasion de replacer les Pays-Bas sur la carte de l’Europe pour qu’ils soient à « nouveau pris au sérieux ». Et sur le plan international ? Le poste semble taillé pour lui. De par sa longévité à la tête d’un des pays les plus prospères d’Europe, il a su nouer des relations avec nombre de dirigeants. En dehors du Vieux continent, il a fréquenté l’ancien président américain Donald Trump, dont le retour éventuel après l’élection de novembre hante les couloirs de l’Alliance à Bruxelles. Mark Rutte n’avait pas hésité à aller jusqu’à le contredire publiquement pendant une visite à la Maison-Blanche.L’un des critères évoqués à l’Otan est aussi celui d’un engagement suffisant en matière de Défense, dans le pays d’origine des candidats. Les Etats membres se sont engagés à y consacrer 2 % de leur Produit intérieur brut (PIB), un objectif dont les Pays-Bas sont très proches, grâce notamment à l’action de Mark Rutte. Il sera essentiel, avancent des diplomates de l’Otan, d’apparaître engagés sur ce sujet en cas de retour de Donald Trump. Ce dernier avait plusieurs fois sommé les Alliés d’augmenter leurs dépenses de défense, sous peine de voir les Etats-Unis réduire les leurs, voire quitter l’Alliance.Enfin, sur la Russie, le chef d’Etat a également su faire preuve de fermeté. Depuis le crash du vol MH17 en 2014, il a pris ses distances avec Moscou, conscient du danger que son homologue du Kremlin pouvait représenter. Depuis la guerre en Ukraine, son soutien sans faille à Kiev lui a valu plusieurs critiques dans son pays. En août 2023, Mark Rutte avait contourné le parlement après avoir annoncé que les Pays-Bas fourniraient à l’Ukraine des avions de combat F-16. Preuve si nécessaire que Mark Rutte n’a pas peur de sortir des clous.



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Publish date : 2024-02-23 11:30:02

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