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Budget : pourquoi les 10 milliards d’économies annoncées n’auront que peu d’effet

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Le couperet devait tomber tôt ou tard. Après s’être longtemps accroché à un objectif de croissance de 1,4 % pour l’année 2024, loin des prévisions de nombreux instituts et économistes, le gouvernement s’est résolu à revoir sa copie et table désormais sur 1 %. C’est Bruno Le Maire, en personne, qui est venu le 18 février, au 20 Heures de TF1, faire amende honorable. Conséquence de ce loupé prévisionnel, l’Etat doit trouver 10 milliards d’économies dans ses caisses afin de compenser le potentiel écart de recettes fiscales. Si Bercy avait déjà évoqué un tel montant, sa façon de procéder n’avait pas encore filtré. Quoi de mieux qu’un coup de baguette magique pour effacer cette encombrante ardoise ?Dans le détail, un premier volet de diète budgétaire dans les ministères et chez les opérateurs de l’Etat doit permettre d’économiser 5 milliards d’euros. La masse salariale de l’administration va par exemple être rognée grâce, notamment, au report de certains recrutements. Par ailleurs, les déplacements des agents seront réduits de 20 %. Un second volet concerne les politiques publiques. Le dispositif d’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRenov’ voit son enveloppe rabotée d’un milliard d’euros. Il en va de même pour la dotation du fonds vert, qui passe de 500 millions d’euros à 100 millions d’euros, tandis que certains projets prévus dans le cadre de l’aide publique au développement vont être ajournés. Différer, reporter, repousser… Autant de synonymes qu’aurait pu utiliser Bercy pour détailler ses mesures, dont on peine à mesurer l’efficacité.Une ponction artificielleD’autant que le compte n’y est – pour l’instant – pas. « Quand on regarde les documents qui ont été publiés, on a du mal à trouver les 10 milliards, ce serait plutôt de l’ordre de 8 », pointe François Ecalle, fondateur du site Fipeco. « De plus, ce sont des annulations de crédits. A côté, il va y avoir des ouvertures : on a parlé de 3 milliards d’euros en faveur de l’Ukraine, de 500 millions pour les hôpitaux et de 400 millions pour les agriculteurs. Il n’y aura pas une baisse de 10 milliards net », prévient l’ancien magistrat à la Cour des comptes. A la fin de l’année, les dépenses de l’Etat devaient s’élever à 492 milliards d’euros environ, selon le périmètre défini par le projet de loi de finances 2024, soit près de 40 milliards de plus qu’en 2023. Aucun espoir, donc, que les coupes décidées il y a deux jours inversent la tendance inflationniste que la France enregistre année après année.L’opération de com’ orchestrée par le ministre de l’Economie n’est en réalité qu’une ponction artificielle. « On va limiter les dépenses pour quelques mois, mais ce ne sont pas, a priori, des baisses structurelles qui pourraient permettre d’éviter des hausses d’impôts pénalisantes pour la croissance. On a le sentiment que ces mesures servent d’abord à gagner du temps », juge Olivier Redoulès, directeur des études à l’Institut Rexecode. L’exécutif avait vu juste pour sa prévision de croissance en 2023. Sur 2024, il semble naviguer à vue. « Ces annonces témoignent d’une forme d’impréparation et d’un manque de maîtrise des risques. Il y a, à la décharge du gouvernement, un contexte politique qui ne se prête pas aux économies. Mais il a choisi de fonder sa stratégie budgétaire sur des hypothèses délibérément optimistes. A partir de là, il prenait le risque de se retrouver dans la situation actuelle. Faute de marges de manœuvre, on en est réduit à faire des ajustements de dernière minute », poursuit l’économiste. »On confond gestion et décision »Le processus en vase clos, entre Bercy, Matignon et l’Elysée, pose également question. Pour le juriste Michel Bouvier, président de la Fondafip, la Fondation internationale de finances publiques, « on confond gestion et décision. En matière de comptes publics, il faudrait repenser la prise de décision politique en y associant d’autres acteurs ». « Les pays qui parviennent à maîtriser leurs dépenses répartissent l’effort entre l’Etat, les collectivités et la sécurité sociale, avec un vrai partage des responsabilités », complète Olivier Redoulès.Quant aux ministères, à l’exception des efforts consentis pour les déplacements de leurs agents, rien ne laisse présager que ces réductions de dépenses s’inscriront dans le temps. L’Etat devrait avant tout réaliser une évaluation précise et sérieuse de toutes ses composantes. « Il faut donner aux services opérationnels des ministères un mode de gestion aussi efficace que celui des opérateurs. Ce que l’on n’arrive pas à faire depuis des décennies, pour des raisons culturelles et historiques, estime un haut fonctionnaire de Bercy. Il y a eu, jadis, un contrat efficace dans les directions générales du budget et des impôts, qui permettait de faire jusqu’à 2,5 % d’économies par an ». Une méthode douce qui n’a plus cours aujourd’hui.



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Author : Thibault Marotte

Publish date : 2024-02-21 06:53:38

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