L’Express

Tabac : « Fumer détraque le système immunitaire même chez ceux qui ont arrêté »

Le nombre de fumeurs n'a plus baissé en France en 2020




L’exploit, Violaine de Saint-André et Darragh Duffy n’ont pas encore eu le temps de le savourer. Ces deux scientifiques de l’Institut Pasteur et du consortium Milieu Intérieur enchaînent les interviews aux médias internationaux. Normal, quand on se hisse en une du numéro de Nature de cette semaine. Leurs travaux, que la revue scientifique publie ce mercredi, démontrent que fumer détraque le système immunitaire, en plus d’attaquer le cœur et les poumons. Et ce, même après l’arrêt du tabac.L’Express. Pourquoi vous êtes-vous intéressés à ce sujet ?Darragh Duffy : Nous cherchions à comprendre pourquoi les réponses immunitaires étaient si différentes d’un individu à l’autre. On savait déjà qu’il y avait des facteurs liés à l’âge, au sexe et au patrimoine génétique. La crise du Covid-19 l’a montré : les personnes hospitalisées, on le sait, étaient bien souvent des personnes âgées, et les hommes étaient par exemple plus nombreux. Nous voulions aller plus loin et participer à trouver et quantifier les autres éléments.Violaine de Saint-André : On ne cherchait pas à démontrer l’effet du tabagisme en particulier, mais à tester un ensemble de facteurs qui auraient pu avoir une influence. On s’est très vite rendu compte que le tabagisme avait un impact très important. Aussi important, d’après nos données, que l’indice de masse corporelle, ou le fait d’avoir un cytomégalovirus, un virus de la famille de l’herpès, qui par nature, mobilise nos défenses naturelles.Comment avez-vous procédé ?V.S-A : Nous avons analysé le sang et les sécrétions de plus de 1 000 volontaires. Ce que l’on a cherché à quantifier, c’était surtout la sécrétion de cytokines. Ce sont des molécules produites notamment par les cellules du système immunitaire. Elles sont impliquées dans la régulation du système. On s’est focalisé sur treize d’entre elles. Puis on a testé l’influence de divers facteurs. Le tabagisme participe à hauteur de 4 à 9 % de la variation des taux de cytokines.Qu’est-ce que ça veut dire ?D.D : Fumer altère drastiquement le système immunitaire. Autant que l’âge à certains égards. C’est un résultat important, car cela pourrait avoir des implications sur le risque de développer des infections, des cancers, ou encore des maladies auto-immunes. Notre étude précise ce risque et surtout, montre qu’il perdure. Une partie des altérations subsistent chez les fumeurs qui ont arrêté. On le voit notamment sur les cellules du système immunitaire acquis, celui qui apprend au contact des pathogènes.Dans l’étude, vous ne dites jamais si l’effet est positif ou négatif. Verdict ?V.S-A : Nous n’avons pas testé l’effet de chaque composant de la fumée sur les cellules immunitaires, mais le tabagisme en général. Et nous n’avons pas non plus testé la réaction des fumeurs à toutes sortes de pathogènes et toxines. C’est l’une des limites de notre étude, elle ne permet pas de préciser exactement l’effet. Mais, lorsqu’on regarde les articles scientifiques sur le sujet, on ne voit pas d’avantage général à un tel bouleversement du système immunitaire.D.D : Pour faire simple, notre étude montre que les fumeurs sont plus « inflammés ». C’est parfois une bonne chose, d’où le fait que l’on s’abstient de qualifier l’effet. Il semblerait, en effet, que cela ait réduit les risques d’infection au Covid-19 par exemple. Mais, dans l’ensemble, c’est un problème. Car une fois qu’on est malade, avoir une réaction inflammatoire déréglée expose le plus souvent à de très graves conséquences. La majeure partie des symptômes graves du Covid-19 sont par exemple dus à une trop grande réponse inflammatoire.Comment expliquer ces effets sur le système immunitaire ?D.D : On peut grossièrement dire que le corps est occupé à « métaboliser », digérer en quelque sorte, une partie des toxines absorbées lorsqu’on fume. Cela conduit à modifier l’action de certaines cellules, et également de certains gène, un effet dit « épigénétique ». Vous travaillez pour l’Institut Pasteur, mais aussi pour une structure moins connue mais prolifique sur le plan scientifique, le consortium Milieu Intérieur. Quel est son but ?D.D : Jusqu’à présent, les pratiques médicales et les politiques sanitaires se sont fondées sur un modèle unique de patient, une sorte de patient moyen. Avec Milieu Intérieur, nous voulons préciser les différences entre les individus, les comprendre, et révéler leur influence sur les différentes approches thérapeutiques. C’est un pas vers la personnalisation de la médecine.Pour cela, nous mettons en relation des chercheurs des grandes institutions de recherche biomédicale comme l’Institut Curie, l’Inserm, Imagine, le Trinity College de Dublin, ou l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). Un de nos atouts est le suivi des volontaires : voilà déjà 10 ans que l’on analyse leur sang. C’est un recul rare dans le secteur.



Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/tabac-fumer-detraque-le-systeme-immunitaire-meme-chez-ceux-qui-ont-arrete-UTMGGYQLTJD33CAHY3UFRAEHEQ/

Author : Antoine Beau

Publish date : 2024-02-14 18:18:45

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express

ATVC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .