« Hypocrite, candide, et tenace. » Voilà résumée ce 18 janvier la personnalité d’Amélie Oudéa-Castéra par un ancien camarade de promo de l’ENA. Emportée dans une polémique autour de la scolarisation de ses enfants à l’école privée Stanislas, la ministre de l’Education montre alors l’étendue de son tempérament. Hypocrite, quand elle met en cause l’enseignement public pour justifier l’inscription de sa progéniture dans la très conservatrice école parisienne. Candide, quand elle se confond en excuses et convoque son statut de « maman » pour attendrir l’opinion. En politique, le sang attire les requins, pas les médecins. Tenace, tant l’ancienne championne de tennis ne lâche rien. Comme ce 6 février, lorsqu’elle répond aux attaques de l’opposition à l’Assemblée… et prend soin de parler d’elle au futur.Candeur et ténacité n’ont été d’aucun secours. Emmanuel Macron s’est résolu à débrancher AOC, reléguée ce jeudi au rang de simple ministre des Sports. Cette fonction qu’elle occupe avec succès depuis l’été 2022 et qui l’avait conduite rue de Grenelle. Que cette rétrogradation fut laborieuse ! Le chef de l’Etat a longtemps espéré sauver sa condisciple de l’ENA, dont il loue l’efficacité. Mi-janvier, il comptait encore la maintenir à l’Education et lui adjoindre un ministre délégué en charge des Sports et de l’organisation des Jeux olympiques de Paris. Mais la réalité s’est imposée au président. Amélie Oudéa-Castéra ne pouvait plus porter une politique publique éducative. AOC s’est enlisée dans les polémiques et a multiplié les erreurs de communication. L’énarque parlait avec l’agilité de celle qui se débattait dans les sables mouvants. Le messager a écrasé le message. « Elle est inaudible et ne peut pas reprendre la main », tranchait ce jeudi une ministre. »Elle est entravée »Emmanuel Macron en a pris acte ce week-end. « Elle est entravée, confie-t-il à un proche. Elle n’a plus de capacité de rebond. Les profs, les syndicats, l’opinion publique, on ne voit pas comment elle va rebondir. » Ce rebond est pourtant vital dans un ministère érige en priorité au sommet de l’Etat. Mais pas question de lâcher AOC. Le président exprime alors sa volonté de la remettre aux Sports, où elle n’a pas démérité. De nombreux interlocuteurs du chef de l’Etat jugent l’idée saugrenue et lui font faire part de leurs doutes. Le président persiste : « Je veux la garder aux Sports. »La rétrograder oui, s’en séparer non. Oudéa-Castéra, ou la mauvaise conscience de la Macronie. Oh, personne ne tient dans son cœur cette technicienne austère et novice en politique. Elle n’a pas de garde rapprochée ou d’amis prêts à mourir pour elle. Elle bosse et « délivre », dit-on dans la novlangue macroniste. Un ministre garde en tête un déplacement en voiture avec la ministre, et cette désagréable sensation d’avoir fait le voyage seul : « Elle est totalement dans sa bulle. »Mais une forme de gêne étreint la Macronie quand est évoqué son nom. « Je hais les chasses à l’homme », « Elle n’a rien fait d’illégal », « Je ne tirerai pas sur l’ambulance »… Ministres et députés raillent à l’unisson l’acharnement contre une femme qui n’a rien commis d’illégal et ne fait l’objet d’aucune enquête judiciaire. « On lui reproche une maladresse à juste titre, mais on lui reproche aussi ce qu’elle est et ce qu’elle incarne. Ce n’est pas sain », confie un dirigeant Renaissance. « Elle a été maladroite, mais on la sortirait là-dessus ? », s’interrogeait récemment une députée de la majorité. Bref, on déplore l’absence de proportionnalité entre la faute commise et la sanction encourue. »Elle souffre le martyre »Ces exposés pleins d’empathie sont toujours suivis d’un « mais ». Du triomphe de l’éthique de la responsabilité sur celle de la conviction. Non, AOC ne peut plus exercer son office. « Peut-elle encore incarner quelque chose ?, questionne un ministre. Comment incarne-t-elle l’autorité ? La laïcité ? Rien n’est sorti de ce qu’elle veut depuis qu’elle a été nommée. » « Elle doit passer à autre chose pour l’efficacité de son ministère », ajoute un cadre Renaissance. La ministre a été recrutée pour son rendement, cette exigence est son tombeau.En Macronie, plusieurs dressent un parallèle entre Amélie Oudéa-Castera et François de Rugy, exfiltré du ministère de l’Ecologie en 2019 pour de trop luxueux dîners. Le scénario est identique : une faute de communication à la charge symbolique lourde ; un tourbillon médiatique ; de nouvelles révélations qui muent le ministre en commentateur de sa propre déchéance. La fin du film ne pouvait pas être différente. Une histoire très contemporaine. « Il y a quinze ans, sans les réseaux sociaux et les chaînes infos, cela aurait fait une brève dans la presse », juge une ministre. Jean-François Copé connaît bien AOC et son époux, passé comme lui par les cabinets ministériels dans sa jeunesse. L’ex-président de LR théorise sa chute : « Au début d’un gouvernement, il y a toujours une personne qui fait une bourde et s’enfonce dans les sables mouvants. » Maudit destin.L’aventure ministérielle d’Amélie Oudéa-Castéra ne s’arrête pas ce jeudi. Etrange paradoxe. Cette ministre sacrifiée va prendre la lumière médiatique, à la faveur des Jeux olympiques. Mais dans quel état ? Un ancien collègue évoquait récemment une femme « au bord du craquage nerveux ». « Elle souffre le martyre », abonde un ministre. Un ami politique d’Emmanuel Macron a mis en garde le chef de l’Etat. « Ce n’est plus la même AOC que tu vas retrouver, elle n’aura plus l’élan qu’elle avait avant les polémiques. » Le président s’est retiré une épine du pied. L’histoire dira s’il ne se l’est pas enfoncé dans l’autre.
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Author : Paul Chaulet
Publish date : 2024-02-08 22:13:17
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« Je veux la garder aux Sports » : pourquoi Macron a sauvé Oudéa-Castéra
