Unité dédiée aux drones, formation des combattants, élaboration d’une doctrine militaire, regroupement des factions rebelles… De nombreux détails sur l’opération minutieusement planifiée visant à renverser le régime syrien de Bachar el-Assad sont désormais connus. Ils ont été donnés vendredi par Abou Hassan al-Hamwi au journal britannique The Guardian. Le commandant militaire de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), ancien chef de la branche militaire du groupe islamiste, a longuement expliqué les coulisses de cette opération qui a mis fin aux 24 années de règne sans merci de Bachar el-Assad.Les rebelles islamistes, qui ont pris le monde de court en renversant le président syrien lors d’une offensive éclair, avaient planifié cette opération il y a un an, a révélé ce commandant militaire à l’occasion de sa première interview avec les médias étrangers depuis la chute du régime. Mais si l’élaboration de cette opération baptisée « repousser l’agression » a commencé il y a douze mois, le groupe s’y préparait en réalité depuis des années. »L’absence d’un leadership unifié »Depuis 2019, HTC élabore une doctrine militaire qui lui permet de transformer des combattants issus de groupes d’opposition et djihadistes disparates et désorganisés en une force de combat disciplinée.Ce n’est que fin novembre qu’il a estimé que le moment était venu, notamment en raison du contexte international. Pour ce faire, il a d’abord fallu coaliser les différents groupes rebelles qui opéraient dans le pays. « Le problème fondamental était l’absence d’un leadership unifié », a confié Abou Hassan al-Hamwi, 40 ans, au Guardian. »Après la dernière campagne [NDLR : en août 2019], au cours de laquelle nous avons perdu un territoire important, toutes les factions révolutionnaires ont pris conscience du danger critique », a ajouté cette source, qui supervise l’aile militaire d’HTC depuis cinq ans.Comme le rappelle le quotidien britannique, en 2019, le régime syrien a lancé une opération contre les forces de l’opposition dans le nord-ouest de la Syrie, repoussant avec succès les factions vaguement liées dans la province d’Idlib. Après une bataille finale au terme de laquelle la Turquie a négocié un cessez-le-feu au nom des forces de l’opposition au printemps 2020, les rebelles ont été confinés dans une petite poche de territoire située dans le nord-ouest de la Syrie. »Nous avons étudié l’ennemi en profondeur »Dans le cadre de la préparation de l’offensive, une salle des opérations a été créée. Celle-ci a réuni les commandants d’environ 25 groupes rebelles situés dans le sud de la Syrie, qui ont coordonné les mouvements de leurs combattants entre eux et avec HTC, basé dans le Nord. L’objectif était que le groupe HTC et ses alliés arrivent à Damas par le nord du pays tandis que les rebelles arriveraient eux par le sud, les deux se réunissant dans la capitale syrienne.Une fois la coalition ficelée, avec comme fer de lance le groupe HTC, elle s’est attelée à la formation des combattants et à l’élaboration d’une doctrine militaire. « Nous avons étudié l’ennemi en profondeur, analysé ses tactiques, de jour comme de nuit, et nous avons utilisé ces connaissances pour développer nos propres forces », a indiqué Abou Hassan al-Hamwi. Dépassé par le régime d’el-Assad, qui dispose d’une armée de l’air et du soutien de la Russie et de l’Iran, le groupe savait qu’il devait faire preuve de créativité pour tirer le meilleur parti de ressources limitées.Le groupe, qui était composé d’insurgés, s’est lentement transformé en une force de combat disciplinée, décrit le journal britannique. HTC a également commencé à produire ses propres armes, véhicules et munitions. Dans ce contexte, une unité militaire dédiée aux drones a été créée, réunissant des ingénieurs, des mécaniciens et des scientifiques. « Nous avons unifié leurs connaissances et fixé des objectifs clairs : nous avions besoin de drones de reconnaissance, de drones d’attaque et de drones explosifs, en mettant l’accent sur la portée et l’endurance », a souligné Abou Hassan Al-Hamwi, ajoutant que leur production avait commencé en 2019. Ces « drones explosifs » surnommés « Shaheen » ont été déployés ce mois-ci contre les forces de l’ex-président syrien avec une efficacité dévastatrice. Des véhicules militaires d’artillerie ont été neutralisés par ces engins bon marché mais redoutablement efficaces.La surprise de voir Alep tomber aussi viteHTC a lancé l’opération en entrant dans Alep le 29 novembre. Les combattants du Hezbollah ont tenté de défendre la ville, mais se sont rapidement retirés. La chute rapide de la deuxième plus grande du pays, que le régime de Bachar el-Assad avait mis quatre ans à arracher aux rebelles en 2016, a étonné le groupe. « Nous étions convaincus, et cela s’appuyait sur des précédents historiques, que Damas ne pouvait pas tomber tant qu’Alep n’était pas tombée », a indiqué le commandant militaire de Hayat Tahrir Al-Cham.A l’issue d’une offensive de 11 jours, la coalition rebelle dominée par HTC a renversé dimanche 8 décembre le pouvoir de Bachar el-Assad, qui a fui en Russie avec sa famille, selon les agences russes. Un Premier ministre, Mohammad al-Bachir, a été nommé mardi pour diriger un gouvernement transitoire jusqu’au 1er mars 2025. Abou Hassan Al-Hamwi, à l’origine ingénieur agronome diplômé de l’université de Damas et déplacé par le régime d’el-Assad avec sa famille à Idlib, a quant à lui déclaré au Guardian qu’il occuperait un poste au sein du nouveau gouvernement civil.
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Publish date : 2024-12-14 12:10:00
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