* . * . . .
L’Express

Les investisseurs américains tentés par les entreprises européennes : « Pour eux, c’est les soldes »




Tout semble sourire à l’Amérique. Croissance dynamique, dollar fort et afflux massif d’investissements… Les marchés ont toutes les raisons d’être optimistes. L’innovation prospère et les promesses de baisses d’impôt et de déréglementation du président élu Donald Trump n’ont fait qu’accroître l’effervescence.Le contraste avec l’Europe est saisissant. « Modeste », « médiocre »… le vocabulaire des économistes pour qualifier les perspectives de croissance de ce côté de l’Atlantique est éloquent. Entre incertitude politique et productivité en berne, le tableau est sombre pour les Vingt-Sept. Même la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, l’a reconnu dans un entretien au journal Le Monde : « le décrochage de l’Europe est une réalité ». Cette disparité se reflète en Bourse : l’indice américain S&P 500 a bondi de plus de 25 % en 2024, à de nouveaux sommets, quand le Stoxx 600 a affiché une timide hausse d’environ 5 %. Comment s’étonner, dans ce contexte, de voir des entreprises comme TotalEnergies ou Tikehau convoiter une cotation à Wall Street.On le sait, les sociétés européennes sont largement sous-valorisées par rapport à leurs homologues américaines. Ce fossé pourrait continuer à se creuser, au moins au cours de la première partie de l’année prochaine, selon plusieurs experts. « Cette sous-performance rendrait les entreprises européennes plus vulnérables à des acquisitions hostiles ou amicales réalisées par des concurrents américains nettement mieux valorisés qu’elles », analyse Vincent Mortier, directeur des gestions d’Amundi. Pour les Etats-Unis, la chasse aux « bonnes affaires » est ouverte. « Pour les investisseurs américains, c’est les soldes en Europe », estime Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac. Acquérir des sociétés innovantes sur le continent peut ainsi coûter moins cher que de développer une innovation en interne.Terrain de chasse idéalEn Europe, les opérations de fusion-acquisition ont progressé de 43% sur l’année en 2024, d’après le gestionnaire d’actifs Carmignac. Et l’attrait du continent aux yeux des investisseurs américains en particulier n’est pas nouveau : depuis plus d’une décennie, les Etats-Unis sont à la fois le premier pays d’origine et le premier pays de destination de ces transactions avec la France, rappelle Guillaume Molinier, managing director chez Lazard. Alstom, Latécoère ou encore Exxelia ne sont que quelques exemples de nos entreprises désormais contrôlées par des investisseurs ou des industriels américains. Plus récemment, le distributeur de matériel électrique Rexel s’est fait approcher par QXO. Une offre qu’il a toutefois rejetée.Outre les écarts de valorisation, l’effet devise avantage encore les Etats-Unis dans ces mouvements transatlantiques. Le billet vert s’est renforcé face à l’euro, passant de 1,1 dollar à 1,04 en moins d’un an. « Ce phénomène pourrait s’accentuer si la Fed marque une pause dans ses baisses de taux, par crainte d’une politique inflationniste de Donald Trump, et que de l’autre côté la BCE continue sur sa lancée de baisse de taux – un scénario probable vu les déclarations des deux banques », envisage Olivier Malteste, directeur des investissements chez Yomoni.Les mouvements américains en Europe sont moins stratégiques qu’opportunistesGuillaume Molinier, managing director chez LazardEnfin, un assouplissement de la régulation anti-trust aux Etats-Unis serait déterminant. A la suite de l’élection de Donald Trump, les actions des banques d’affaires J.P. Morgan Chase et Evercore avaient bondi respectivement de 12 % et 16 %, traduisant cette attente d’une reprise des fusions-acquisitions. « Le retour de Donald Trump laisse présager une politique de la concurrence plus accommodante, explique Anthony Penel, gérant actions Europe à Edmond de Rothschild AM. Le marché a en tête la fusion de T-Mobile et Sprint lors de son premier mandat, qui n’aurait probablement pas obtenu de feu vert sous une administration démocrate. Les entreprises américaines vont donc considérer qu’elles ont une fenêtre de quatre ans pour faire accepter les fusions par l’Antitrust. Au-delà, personne ne sait si le plateau repassera ».En Europe aussi, les contraintes pourraient s’alléger. « Il y a une réelle volonté politique de réduire les pressions anti-trust en Europe dans les mois et années à venir. En témoigne le mandat de la nouvelle commissaire à la concurrence, qui prône une ‘nouvelle approche de la politique de la concurrence, plus favorable aux entreprises qui se développent sur les marchés mondiaux' », ajoute Kevin Thozet.Santé et tech convoitéesQuelles seront les cibles des Américains ? Des entreprises exposées aux Etats-Unis, ou du moins pas exclusivement centrées sur le marché européen. Un cas fréquent dans les secteurs de la santé et de la technologie : à eux seuls, ces derniers concentrent 40 à 50 % des opérations de fusion-acquisition dans le monde chaque année, d’après les calculs de Carmignac.Pour sauvegarder sa suprématie sur les nouvelles technologies, notamment sur l’intelligence artificielle, l’Amérique est à l’affût de toute opportunité. « Un des moyens de rester à l’avant-garde dans ce domaine, c’est d’intégrer tout ce qui bouge ailleurs, y compris en Europe », affirme Gilles Moëc, chef économiste d’Axa. Et les proies ne manquent pas. « En France, on pourrait penser à des pépites comme Mistral AI [NDLR : une licorne qui a conclu un partenariat avec Microsoft], ou Dust [NDLR: une start-up de l’IA générative] », envisage Olivier Malteste.Le secteur des énergies renouvelables, qui a vu ses cours tomber très bas, pourrait aussi susciter la convoitise, estime Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marché chez IG France. « On imagine mal que la filière puisse se redresser au début du mandat de Trump. Ces niveaux de valorisation pourraient générer un intérêt de la part de fonds d’investissement ou favoriser des fusions au sein du secteur, entraînant un début de redressement des cours ». Le producteur français Neoen, par exemple, a fait l’objet d’une offre publique d’achat (OPA) du fonds de gestion canadien Brookfield.Les investisseurs américains se montreront toutefois vigilants. Bien que le contexte actuel puisse favoriser certains rachats, leurs mouvements en Europe « sont moins stratégiques qu’opportunistes, estime Guillaume Molinier. Le faisceau d’incertitudes économique, politique et fiscale les incite à réfléchir à deux fois avant de se lancer ».Des freins à cet élanFace à l’appétit américain, l’Europe n’est pas démunie. Les Etats disposent de moyens pour protéger leurs fleurons en contrôlant les investissements étrangers. En Espagne, un « bouclier anti-OPA », permettant à l’Etat de mettre son veto à des acquisitions, a été utilisé cet été. « L’Europe est aujourd’hui dans un moment où la question de la souveraineté est mise en avant. Les gouvernements vont moins hésiter à utiliser ces moyens de blocage, surtout si l’on a une phase de négociations musclées avec Trump », imagine Gilles Moëc.De leur côté, les entreprises ont aussi leurs stratégies pour parer les OPA hostiles. En témoigne la complexe manoeuvre de Vivendi qui a créé, lors de sa scission, une fondation de droit néerlandais pour préserver l’indépendance d’Havas. Beaucoup d’autres ont mis en place des actions à droits de vote double. Et si la meilleure défense était la contre-attaque ? « Les Européens effectuent des investissements beaucoup plus importants en valeur vers les Etats-Unis que le contraire. Nous nous attendons d’ailleurs à ce que ce phénomène continue, puisque pour les Européens, l’enjeu de premier ordre est d’aller accroître leur exposition à la conjoncture économique américaine », avance Guillaume Molinier. Pour s’extraire de la morosité de leurs marchés d’origine, elles y ont clairement intérêt.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/entreprises/les-investisseurs-americains-lorgnent-sur-les-entreprises-europeennes-pour-eux-cest-les-soldes-5F6IHMX67BDHBM6IEI453U7R5I/

Author : Tatiana Serova

Publish date : 2024-12-31 07:00:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express
Quitter la version mobile

. * . * . * . * . . . . . . . . , , , , , , , , | | | | | | | | | | | | | | | | | | | | ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] ] [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ [ | | | | | | | | | | | | | | | | | | | |