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L’Express

Commercer avec les talibans, le pari risqué de l’Ouzbékistan

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Une file de camions chargés de farine patiente devant le poste de frontière de Termez, à l’entrée de l’Afghanistan. Pour rejoindre les villes afghanes de Mazar-e Sharif et Kaboul, puis, enfin, le Pakistan, les marchandises d’Asie centrale passent par le « pont de l’amitié » qui relie l’Ouzbékistan à l’Afghanistan, enjambant les eaux boueuses du fleuve Amou-Daria. Par ce passage, 100 à 150 camions de 25 tonnes transitent quotidiennement. « Les hommes d’affaires afghans avec qui nous travaillons sont les mêmes qu’avant l’arrivée des talibans, en août 2021 », confie Nodirbek Djalilov, directeur du centre de marchandises de Termez.Mais depuis ce 29 août, une nouveauté attire le regard des routiers qui patientent au checkpoint : une vaste zone économique de libre-échange, Airitom, est sortie de terre à la frontière ouzbéko-afghane. « Ce projet est dans les tuyaux depuis 2020. Ensuite, il a fallu discuter avec les talibans, mais ça s’est plutôt bien passé », raconte Kodiz Parpiev, directeur général de la zone Airitom. Le site flambant neuf à 70 millions de dollars devrait accueillir près de 300 commerces – principalement des entreprises ouzbeks – et il abrite un hôtel Hilton, un centre hospitalier dernier cri et un restaurant luxueux aux spécialités turques et ouzbèkes. Le tout pour encourager le commerce avec l’Afghanistan, à 500 mètres de là, ravagé par une profonde crise socio-économique.Tentative de normalisation »Les commerçants afghans qui viendront développer leur activité profiteront de subventions, explique Kodiz Parpiev, et ils seront autorisés à rester quinze jours sur cette zone. » Etendue sur 36 hectares, la future Airitom incarne la volonté des autorités ouzbeks de commercer avec leur voisin. Le 18 août, le Premier ministre Abdulla Oripov est devenu le premier chef de gouvernement à s’être rendu à Kaboul. Il y a conclu pour 2,5 milliards de dollars de traités commerciaux et d’investissements. Bien que Tachkent ne reconnaisse pas le régime taliban, mis au ban par la communauté internationale pour sa politique d’effacement des femmes dans la société, le pays fait partie de cette poignée d’Etats d’Asie centrale qui cherchent à normaliser les talibans.De fait, les délégations talibanes sont accueillies depuis plusieurs mois avec les honneurs dans la région. Le 11 septembre à Islim Cheshma, au Turkménistan, des diplomates talibans ont célébré en grande pompe l’aboutissement – côté turkmène – des travaux du gazoduc Tapi (Turkménistan-Afghanistan-Pakistan-Inde) et leur démarrage en territoire afghan. De son côté, le Kirghizstan a retiré ce 5 septembre le mouvement taliban de sa liste des « organisations interdites », comme l’avait fait le Kazakhstan plus tôt en décembre, et vient d’accréditer un nouveau chargé d’affaires taliban à l’ambassade afghane d’Astana. Cette entente cordiale se retrouve jusqu’au Tadjikistan, qui a autorisé l’année dernière le régime islamiste à gérer un consulat à Khorog, dans la région autonome du Haut-Badakhchan.Pour tous ces Etats, l’intérêt d’un rapprochement vers l’Afghanistan est avant tout commercial. Ce pays, l’un des plus pauvres de la planète, constitue en effet un débouché pour écouler leurs pétrole, gaz et produits agricoles. Mais surtout, ce territoire montagneux est la porte d’entrée vers le Pakistan et ses ports maritimes. C’est pourquoi Tachkent promeut activement le prolongement jusqu’à Peshawar, au Pakistan, du chemin de fer qui relie actuellement les villes de Termez à Mazar-e-Sharif – et ce, bien qu’aucun plan de financement concret n’ait encore été mis sur la table. »L’Ouzbékistan est l’acteur régional le plus engagé dans une normalisation des relations avec les talibans », explique Hamza Boltaïev, directeur du Centre d’études sur l’Afghanistan et l’Asie du Sud à l’Institut des hautes études internationales, à Tachkent. Il faut dire que le pays compte une diaspora de plusieurs milliers d’Afghans, installée depuis les années 1990, qui s’est bien intégrée. « Plus de 400 entreprises afghanes sont présentes à Termez [extrême sud de l’Ouzbékistan], assure Otabek Tursunov, adjoint à la mairie de la ville. Beaucoup d’entre elles commercent avec l’Afghanistan. » Ici, les deux populations s’accommodent de cette coexistence. « Nous avons toujours vécu côte à côte », confirme Moukhamad Oqsoqol, entrepreneur afghan né à Mazar-e Charif, établi à Termez depuis une vingtaine d’années.InstabilitéLe gouvernement ouzbek continue, lui, de livrer de l’aide humanitaire à Kaboul, soit « 500 à 1 000 tonnes par jour », selon le terminal logistique de Termez. En périphérie de la ville, quelques centaines d’étudiants afghans, dont certains ont fui l’arrivée du régime islamiste, étudient dans un centre d’éducation soutenu par le Programme de développement des Nations unies et l’Union européenne. « Tachkent plaide pour que les pays d’Asie centrale aient une approche commune concernant l’Afghanistan, explique Hamza Boltaïev. Il utilise pour cela le levier économique afin d’influencer la politique talibane. » Voire. Malgré trois années d’échanges florissants, les attentes ne sont pas au rendez-vous. Car ce pays reste instable, comme le montre la frontière ultra-sécurisée en périphérie de Termez, avec la menace du groupe Etat islamique du Khorasan, basé en Afghanistan, qui reste prégnante depuis l’attentat de Moscou, en mars dernier. Et l’organisation terroriste cible également les pays centrasiatiques.Hormis sur la question commerciale, tout dialogue avec les islamistes demeure donc infructueux : Kaboul reste inflexible sur les droits des femmes, bafoués. Quant à la construction par les talibans, l’année dernière, d’un canal de 100 mètres de large en amont de la rivière Amou-Daria, elle pénalise gravement l’Ouzbékistan et le Turkménistan dans leur approvisionnement en eau et a douché les enthousiasmes. D’un côté ou de l’autre du « pont de l’amitié », la vie avec les voisins talibans n’a encore rien d’un long fleuve tranquille.

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Author : Emma Collet

Publish date : 2024-11-30 09:00:00

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