On peut difficilement parler d’élan de générosité. Dans un sondage de l’institut Ifop réalisé en exclusivité pour L’Express cette semaine, les Français interrogés se montrent réticents à venir financièrement en aide aux populations du Maroc touchées par le séisme. Une minorité – 22 % – envisage ou a fait un don. La catastrophe a été particulièrement meurtrière : le 8 septembre, un séisme dévastateur a fait près de 3 000 morts et plus de 5 500 blessés dans la province d’Al Haouz, une région rurale située au sud de Marrakech. L’ampleur du tremblement de terre a toutefois moins mobilisé que les sinistres précédents de même ampleur. Dans une période marquée par l’inflation, les Français ont moins tendance à faire des donations et ce, quel que soit le sujet.Depuis quelques années, les Français sont effectivement moins prompts à ouvrir leur porte-monnaie. Les chiffres du sondage actuels sont ainsi similaires à ceux ayant suivi le typhon qui avait frappé les Philippines en novembre 2013 (26 % des Français voulaient donner, 6 % l’ayant déjà fait) ou le tremblement de terre au Népal en avril 2015 (32 % d’intention de don, 6 % ayant déjà donné). Ils sont sans comparaison, en revanche, avec la mobilisation en réaction au tremblement de terre à Haïti en janvier 2010. A l’époque, 49 % des personnes interrogées entendaient venir en aide financièrement aux populations touchées, et 17 % d’entre elles avaient déjà participé.Des dons plus rapides »Ce n’est pas la première fois qu’une catastrophe de l’ampleur de celle du Maroc se produit. Les Français voient, impuissants, les cataclysmes se répéter, explique Gautier Jardon, chargé d’études à l’Ifop. Il y a, hélas, un effet de lassitude assez terrible qui s’installe, et incite à moins, voire à ne pas donner. » Ceux qui le font malgré tout sont poussés par des incitations identiques à celles des catastrophes précédentes. En l’occurrence, le choc des images montrant l’ampleur des dégâts et des besoins les mobilise (56 %). L’appel au don lancé par les associations et les organisations caritatives n’arrive qu’en seconde raison (26 %) et la proximité éventuelle ressentie avec le pays et la population en dernier (18 %). »A chaque catastrophe, les vecteurs d’incitation sont similaires : qu’il s’agisse d’Haïti, du Népal ou du Maroc, le poids des photos et des vidéos a beaucoup joué », commente Gautier Jardon. De fait, les Français donateurs ont été particulièrement généreux. D’après les associations, l’élan de solidarité envers les sinistrés a été particulièrement marqué. En moins de 48 heures, le Secours populaire a rassemblé 800 000 euros de dons en ligne. La Fondation de France a, de son côté, récolté 2,3 millions d’euros en trois jours, soit trois plus que les dons effectués sur la même période pour les victimes du séisme turc et syrien (700 000 euros) en février.Des donateurs divisés entre ville et campagneQuel est le profil de ces généreux donateurs ? Dans le détail, ces derniers sont presque autant des hommes (22 % répondent oui) que des femmes (23 %). En revanche, une nette différence s’exprime dans l’écart entre les banlieues, les villes et le rural. Le profil des donateurs est réparti presque équitablement entre le centre-ville (27 %) et les banlieues (24 %). Seuls 16 % des interrogés des communes rurales se disent prêts à donner, contre 29 % de ceux appartenant à l’agglomération parisienne. Ainsi, 27 % des donateurs habitent en Île-de-France, quand leur pourcentage dépasse à peine les 20 % pour le reste du pays. « L’Île-de-France est davantage tournée vers l’international, ce qui explique en partie cet élan de solidarité », estime Gautier Jardon.Les orientations politiques ont également leur rôle à jouer : la plupart des donateurs expliquent être sympathisants de gauche (35 %), les plus disposés à contribuer financièrement s’identifiant proches du parti socialiste (37 %) puis de la France insoumise (34 %). Viennent ensuite les sympathisants de droite (28 %), de la majorité présidentielle (17 %) et, enfin, de l’extrême droite (13 %, le pourcentage le plus bas revenant aux proches de Reconquête, le parti d’Eric Zemmour). On remarque encore que les catholiques se montrent moins prompts à la solidarité (23 %), que les pratiquants d’une autre religion (45 %), parmi lesquels on dénombre les Français de confession musulmane.La profession des donateurs est un autre élément à prendre en compte. Les personnes sans travail ont tendance à vouloir donner davantage (24 %) que les actifs (21 %). Mais des nuances existent dans ces deux groupes. Chez les premiers, les retraités affichent moins leur volonté de contribuer (21 %) que les « autres inactifs » (29 %). Chez les seconds, les employés et les ouvriers (26 et 24 %) semblent plus disposés à donner que les artisans ou commerçants (14 %). Les revenus ne semblent pas vraiment conditionner le don : les Français dont le revenu s’échelonne entre 1 300 et 1 900 euros ont presque autant l’intention de contribuer (24 %) que ceux qui appartiennent à la catégorie aisée (25 %) ou aux catégories modestes (23 %) et pauvres (24 %). Les classes moyennes supérieures (gagnant entre 1 900 et 2 500 euros par mois) sont en revanche – légèrement – les moins disposées à donner (17 %). Une réaction qui s’explique aussi par la conjoncture, grevée par l’inflation.Dans un sondage Odoxa réalisé pour Leetchi en octobre 2022, les Français expliquaient effectuer moins de dons parce qu’ils « peuvent moins se le permettre ». L' »anxiété économique » liée à la guerre en Ukraine ou à la crise sanitaire liée au Covid-19 les poussait à faire plus attention : 83 % des Français déclaraient que le contexte les enjoignait à la prudence. Ils avaient ainsi fait preuve de moins de générosité, donnant en moyenne en 2022 environ 200 euros à des associations, soit 7 euros de moins que l’année précédente.
Source link : https://www.lexpress.fr/societe/seisme-au-maroc-entre-inflation-et-lassitude-les-francais-plus-retifs-aux-dons-WZXJJG5WXBEXJCXI4TCNFHUPK4/
Author : Alexandra Saviana
Publish date : 2023-09-23 15:33:32
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.
Séisme au Maroc : entre inflation et lassitude, les Français plus rétifs aux dons
