On ne l’a pas forcément vu venir, mais il est en passe de compter durablement dans le paysage français. Son registre ? La fiction pure, une histoire charpentée, des héros bien plantés, en butte aux vents contraires, et à la détermination (ou à la rêverie) sans faille. Cela s’est emballé très vite cette année, bien avant que le prix Fnac lui soit décerné le 30 août. Dès juin, les libraires ont flashé sur le quatrième roman de Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle. Bilan, 59 dates de tournée dans toute la France d’ici à mi-décembre, auxquelles il faut maintenant rajouter celles organisées par le Goncourt des lycéens, le Cannois de 52 ans ayant été sélectionné par le jury de chez Drouant.Une imagination débordante et une construction impeccableSa chienne lui manque, nous signale l’écrivain-TGV en direct de Besançon, mais pour le reste, que du bonheur ! Oui, bonheur du succès, et surtout, de s’être autorisé à être écrivain, après un long détour par le cinéma. Une opiniâtreté gagnante, tant son roman-fleuve de 600 pages, relatant l’amitié amoureuse incongrue entre un modeste orphelin de père, devenu un sculpteur de génie, et la fille effrontée d’une grande famille sur fond d’Italie mussolinienne, se révèle fascinant. Grâce à l’imagination débordante de son auteur et à sa construction impeccable, Veiller sur elle nous tient en haleine dès les premières pages. Quel est le mystère de cette PIeta que l’on garde enfouie dans un monastère ? Comment le jeune Mimo de 12 ans, qui culminera à 1 m 40 toute sa vie, passera-t-il du statut d’esclave d’un pseudo-oncle de Ligurie à celui d’artiste réclamé par les plus grandes fortunes ? Que deviendra Viola la rebelle à la mémoire phénoménale et aux rêves démesurés (pour l’époque) ? Vont-ils se compromettre, ou pas, avec le pouvoir fasciste ?Zoom arrière. C’est à 46 ans, en 2017, que Jean-Baptiste Andrea saute enfin le pas en publiant Ma reine aux éditions de L’Iconoclaste dirigées par Sophie de Sivry, décédée le 31 mai dernier. « Avec ce roman et ma rencontre avec Sophie, j’ai eu l’impression d’avoir trouvé un havre, d’être enfin aligné avec moi-même, nous explique l’auteur, cela me changeait du monde des séries télé où l’on me reproche ‘d’être trop original’ et où l’on doit multiplierles compromissions. » Signalons aussi « le flop épique et historique » (ce sont ses mots) en 2013 de son troisième long métrage, La Confrérie des larmes, de quoi détourner le chemin du diplômé de Sciences Po, qui, jeune, n’avait pas osé s’attaquer au roman, « art noble par excellence », en raison de ses propres « verrous mentaux ». De cette notion de verrous, il en est abondamment question dans Veiller sur elle, notamment à propos de Viola Orsini, confrontée au machisme des années d’avant-guerre.Un milieu bienveillant ?Car si le roman s’ouvre sur Mimo, l’homme de petite taille (qui bataille quand on le traite de nain ou de nabot), c’est de Viola, confie l’auteur, que vient l’impulsion originelle du roman : « Elle est un mélange de femmes très fortes de mon entourage, qui, tout d’un coup, se posent des limites inexplicables, nées, me semble-t-il, d’oppressions héritées depuis des siècles. C’est un combat beaucoup plus violent que pour les hommes. Viola, elle, défonce tout, un peu comme Sophie [NDLR : son éditrice] qui, toute sa vie, a dépassé ses limites. Donc, Mimo c’est moi, le mec sympa, un peu maladroit, mais qui a bon cœur, et Viola la personne que j’ai envie d’être. » Ces personnages, mais aussi Florence la sublime, Rome et ses lieux de perdition, les chemises noires, la sculpture, le mécénat des grands et les petits compromis font tout le sel de ce roman teinté d’humour.Jean-Baptiste Andrea dit avoir découvert en 2017 un milieu bienveillant par rapport à celui du cinéma « dans lequel beaucoup de personnes n’existent que pour dire du mal des autres ». En 2023, des voix s’élèvent pour insinuer que sa présence sur les listes du Goncourt et du Femina serait aussi un coup de chapeau posthume à son éditrice. Soudain, l’auteur perd son sourire, et maugrée : « Ily a peut-être des gens qui auraient intérêt à laisser supposer qu’on est sur des listes pour d’autres choses que la qualité du livre… » Des sous-entendus qui ne risquent pas de s’estomper en cas de gros lot. Si bienveillant que cela, le milieu littéraire ?Veiller sur elle, par Jean-Baptiste Andrea. L’Iconoclaste, 590 p., 21,90 €.
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Author : Marianne Payot
Publish date : 2023-09-23 16:30:00
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Jean-Baptiste Andrea : le baptême du feu d’un écrivain persévérant
